Abstract
Law No. 2014/28 of 23 December 2014 on the suppression of acts of terrorism in Cameroon was enacted in a context characterized by the resurgence of terrorism. But the caution with which it was greeted raises questions about the formal technique used by the legislator. A content analysis of this law, we come to two conclusions: First the legality principle is violated because the offense is not defined and it is formulated in vague terms. Second, the prominence it gives to mobile and indifference of the means used in the commission of the offense exalt guilt.
Keywords: criminality, terrorism, legality, guilt, mobile.
JEL classification: K14, K33
1. Introduction
Depuis plus d'une double décennie, la quasi-totalité des Etats du monde et leurs populations font face à la montée en puissance d'une nouvelle agression aux revendications inavouées : le terrorisme. Dans le but de barrer la voie à cette pandémie, certains instruments juridiques internationaux ont été élaborés. C'est le cas entre autres de la Convention de l'OUA de 1999 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme ainsi que son protocole, de la Résolution 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ces instruments invitent à la mobilisation des actions fortes contre ce fléau2. Leur mise en oeuvre au plan interne au Cameroun est à la base de la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme. Cette nouvelle loi vient s'ajouter aux nombreuses autres qui forment le paysage de droit pénal camerounais.
L'incrimination se conçoit comme la « norme » ou le « précepte » par lesquels une infraction est définie3. Il s'agit plus précisément de « la définition fournie par le législateur, de l'activité ou de l'abstention répréhensible ; c'est la description d'une certaine conduite humaine, que le législateur interdit ou impose aux individus, parce qu'il estime que la prohibition ou l'obligation d'agir établie par lui est le seul moyen d'assurer la protection de certaines valeurs sociales ou de certains « biens juridiques »4. L'incrimination comprend donc aussi bien le texte qui prévoit des agissements fautifs et ces agissements eux-mêmes.
De son côté, le terrorisme est littéralement défini comme « l'emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique »5. Juridiquement, il s'agit d'un « ensemble d'infractions limitativement énumérées dans le Code pénal, qualifiées ainsi, lorsqu'elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public »6. Le vocabulaire juridique Henri Capitant ajoute qu'il s'agit des « agissements criminels destinés à semer l'épouvante dans la population civile, par leur caractère meurtrier systématiquement aveugle »7. Par sa vacuité, la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme au Cameroun emboîte le pas à ces définitions en indiquant à son article 2 alinéa 1 qu' « est puni de la peine de mort, celui qui, à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel dans l'intention : a) d'intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes; b) de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations; c) de créer une insurrection générale dans le pays ».
Ces définitions du terrorisme sont suggestives du problème de l'encadrement juridique de cette infraction au Cameroun. La question est de savoir quelle est la technique formelle utilisée par le législateur pour déterminer les faits de terrorisme. Et il n'est pas sans intérêt de l'aborder.
La loi relative à la répression du terrorisme a été accueillie avec circonspection au Cameroun. Pour A. MINKOA SHE, « avec cette législation antisubversive, on sera parvenu à l'inhibition quasi-totale de toute velléité de contestation politique car, la législation antisubversive va fonctionner comme une véritable épée de Damoclès, dont les citoyens vont intérioriser la présence pour s'autocensurer sur le plan de l'exercice des libertés »8. Pour Cyrille Sam MBAKA, « cette loi va terroriser le peuple »9. Le parti d'opposition Le Mouvement pour la Nouvelle Indépendance et la démocratie (Manidem) dit s'opposer et « ...s'opposera toujours fermement à cette tentative de répression légalisée »10. Cette défiance acharnée envers cette loi justifie qu'on s'interroge les raisons de telles déclarations.
Bien plus, si on convient que « le châtiment doit avoir l'humanité pour mesure »11, ou que « il n'y a de droit pénal qu'à partir d'une restriction du droit de punir »12, ou encore que « le droit pénal est le pouvoir de punir de l'Etat limité par le droit »13, il s'agit de se demander si la répression du terrorisme au Cameroun accorde une place aux droits de l'homme. Il en est ainsi puisque selon A.MINKOA SHE, « la répression pénale tire sa légitimité du respect des droits de l'homme, qui vont remplir ici une fonction de limitation »14. L'intérêt réside donc dans la recherche de l'intégration des droits de l'homme en tant que « principes directeurs de la législation pénale »15, dans la formulation de l'infraction de terrorisme. Tel ne semble pas être le cas puisque le législateur a visiblement négligé le principe de légalité (2) et a exalté la culpabilité (3).
2. La negligeance du principe de légalité
Le principe de légalité est fondamental en matière pénale en général, et particulièrement en droit pénal de fond. Il implique dans ce dernier domaine cité qu'aucun comportement ne soit puni, qu'aucune sanction ne soit infligée sans une disposition légale préalable. Idéologiquement, le principe est soutenu par le « droit à la sécurité juridique »16 et à « la liberté individuelle »17. Formellement, il repose sur les textes internationaux18 et nationaux19 et impose au législateur de prendre des textes clairs et précis. La loi portant répression du terrorisme au Cameroun ne semble pas respecter cette obligation. Elle est caractérisée par l'absence d'une définition de l'infraction (2.1) et l'usage des termes vagues dans sa formulation (2.2).
2.1 L'absence d'une définition de l'infraction
L'une des exigences du principe de légalité est la promulgation des lois intelligibles pour les citoyens. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a eu l'occasion de le rappeler dans une espèce. Selon elle, « on ne peut considérer une loi qu'une norme énoncée avec suffisamment de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite en s'entourant au besoin de conseils éclairés, pour qu'il soit à même de prévoir... les conséquences de nature à découler d'un acte déterminé »20. Il s'agit d'adopter une technique de rédaction qui conduit à l'adoption de textes clairs et simples, pour une plus grande compréhension par le public. On a généralement recours à la définition préalable des infractions.
Définir une infraction c'est la qualifier non pas dans ses éléments constitutifs, mais lui donner une étiquette juridique en la plaçant dans les différentes catégories prévues. Il s'agit de « déterminer par une formule précise l'ensemble des caractères qui appartiennent à un concept, à une idée générale »21.
La définition préalable de l'infraction comme exigence du principe de la légalité repose sur un fondement à la fois politique et juridique. Politiquement, elle permet aux citoyens d' « accéder aux intentions du législateur ». Juridiquement, définir une infraction permet « la compréhension de tous les éléments juridiques impliqués par le texte de loi : les conditions d'application, les conséquences, les actions qu'il permet, les principes qu'il applique, les autres conclusions concurrentes »22. Elle permet ainsi d'éviter l'éventuel arbitraire des juges. A ce sujet Portalis indique qu' « il faut des lois précises et point de jurisprudence ». Si la compréhensibilité juridique de l'infraction de terrorisme au Cameroun semble respectée (et encore), il n'en est pas de même de la compréhensibilité politique.
En effet, le texte s'ouvre par une énumération des actes constitutifs de terrorisme, sans aucune détermination du domaine de l'infraction au point qu'on en est à se poser des questions : s'agit-il d'une infraction de droit commun, politique ou militaire ? Sa dévolution à « la compétence exclusive des juridictions militaires »23 en rajoute au mystère. Or il est à noter que l'infraction doit être plus politique qu'autre chose puisqu'elle consiste en « l'emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique »24. On pourrait donc espérer que seuls soient visés par cette incrimination, des hommes politiques et des actions politiques. Ce qui ne risque pas d'être le cas. Dans sa formulation actuelle, l'infraction vise tous les actes de toutes les personnes, y compris les salariés manifestant leur droit constitutionnellement garanti, de faire grève. Le texte parle en effet de « tout acte susceptible de causer la mort [...] dans l'intention [...] de contraindre [...] le gouvernement ... à accomplir un acte quelconque... de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation des services essentiels aux populations...»25.
Une grève de la faim est bien susceptible de causer la mort. Cesserait-elle d'être légitime et régulière parce qu'elle est faite « dans l'intention [...] de contraindre [...] le gouvernement » à améliorer ses prestations ? ou parce qu'elle perturberait « le fonctionnement normal des services publics, la prestation des services essentiels aux populations...» ? La définition de l'infraction seule aurait permis de répondre à ces interrogations sans ambiguïté. Mais au lieu de cela, le législateur s'est contenté d'énumérer les actes constitutifs de terrorisme ce qui pose un autre problème.
En effet, l'article 2 retient à titre principal comme constitutifs de terrorisme, « tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériel, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel »26, «celui qui fournit et/ou utilise les armes de guerre ...les micro - organismes ou tous les autres agents biologiques, notamment les virus, des bactéries, des champignons ou toxines, les agents chimiques psychologiques, radioactifs ou hypnotisant, procède à une prise d'otage »27. Il est pourtant indiqué que le législateur dans son office, statue par voie de dispositions générales28. Il s'agit d'une application de la technique formelle29. Un effort de précision de la notion de terrorisme aurait donc facilité la tâche au juge dans sa prise de décision. En l'absence d'icelle, on est en droit de s'interroger sur le caractère indicatif ou limitatif de l'énumération ci-haut faite.
L'absence de définition de la notion de terrorisme le transforme en une infraction embusquée qui surgit à sa guise et selon ses convenances pour attraper X, intimider Y et laisser passer Z, rompant ainsi l'égalité de tous devant la loi. L'usage des termes vagues dans la rédaction du texte conforte cette théorie.
2.2 L'usage de termes vagues dans la rédaction du texte
L'atteinte portée au principe de légalité par la rédaction de la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme se manifeste aussi par l'usage des termes vagues. Or, il est fait au législateur une obligation de précision dans la formulation des incriminations. Le recours aux termes vagues dans la formulation des lois de façon générale et particulièrement des lois pénales est décrié par une certaine doctrine. Mais de façon générale, il s'agit d'éviter la diversité d'interprétations et d'assurer l'intelligibilité et la compréhensibilité de la loi par tous.
Pour Maurice HAURIOU, la formulat ion d'une loi permet une certaine sécurité en termes de prévisibilité. Aussi souligne-t-il que « chaque loi est une chaussée publique bien pavée sur laquelle on peut marcher avec assurance »30. Pour André AKAM AKAM, « l'imprécision des termes, leur mauvais emploi ou encore l'imprécision des phrases, constituent des barrières à la compréhensibilité de la loi »31. Jean-François SEUVIC et KOERING-JOULIN pour leur part soulignent que le principe de légalité de temps modernes doit répondre à des « qualités qui tiennent à la prévisibilité pénale »32. Le seul cadre de la mention des infractions dans un texte doit donc être dépassé pour plus de précision et de clarté.
Les rédacteurs de la loi relative au terrorisme au Cameroun ne semblent pas avoir pris conscience de l'exigence de précision dans la formulation des infractions. Ils y ont incorporé des termes vagues obligeant à conclure sur la vacuité du texte.
En effet, on peut se demander, et l'énumération n'est pas exhaustive, ce que signifient les expressions « un acte ou menace susceptible de causer la mort » ou « certains principes » dans la formulation « est puni de la peine de mort celui qui à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel dans l'intention [...] de contraindre [...] le gouvernement et/ ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ». Il s'agit là sans aucun doute de ce que MERLE et VITU appellent « des termes vagues, au contenu mal délimité »33.
Une telle formulation ne rend pas intelligible la loi, même par les professionnels du droit. Seul le législateur la comprend. Il n'y a pas de doute qu'il est « seul à apprécier le trouble social causé par de tels agissement et déterminer les sanctions adaptées ; seul à mesurer quelles atteintes il convient d'apporter aux libertés individuelles »34. Le contexte contemporain permet une certaine prudence et des mesures fortes contre les atteintes à la liberté d'opinion et à la tolérance. Le terrorisme doit donc être combattu sur toutes ses formes. Mais cette lutte acharnée légitime-t-elle une telle atteinte à la légalité criminelle ?
L'usage des termes vagues dans la formulation de l'infraction de terrorisme au Cameroun pose également un problème judiciaire. Dans la prise de décision de culpabilité, les juges sont en principe « la bouche qui prononce les paroles des lois »35. Même en présence des lois floues, ils sont tenus de rendre justice sous peine de déni de justice36. Dans ces conditions, ils doivent « percer l'intention du législateur »37, et à en faire des pseudo-législateurs. Cette oeuvre d'interprétation de la volonté du législateur est susceptible d'arbitraire et d'insécurité juridique par le déficit de prévisibilité qui la caractérise.
En somme, l'usage des expressions vagues augure déjà l'intention d'exalter la culpabilité.
3. L'exaltation de la culpabilité
Selon les rédacteurs du Code pénal camerounais, la culpabilité « est capitale et constitue le principe de base non seulement du Code pénal mais du droit pénal tout entier »38. Elle doit être entendue comme « la faute, c'est-à-dire un comportement contraire à la règle juridique impérative et une conscience de cette contrariété »39. Il s'agit donc avec un peu plus de précisions du reproche ou du blâme qu'un est appelé à subir dès lors que son comportement s'écarte de la règle sociale préalablement établie. Le régime juridique de la culpabilité est formellement posé par l'article 74 alinéa 2 du Code pénal40. De façon générale, pour les infractions intentionnelles comme le terrorisme, il faut la volonté de commettre l'infraction c'est-à-dire la connaissance des caractéristiques de l'infraction, et l'intention délictueuse entendue comme la volonté du résultat caractéristique de l'infraction. La formulation de l'infraction de terrorisme ne semble pas obéir à ce schéma classique, notamment pour ce qui est de l'intention délictueuse. Elle accorde une place prépondérante au mobile dans l'établissement de la culpabilité (3.1.) alors que les moyens utilisés dans la commission de l'infraction sont indifférents (3.2.).
3.1 La prépondérance du mobile dans l'établissement de la culpabilité
Le mobile est défini comme les « raisons profondes ayant inspiré l'action ou l'omission d'un criminel ou d'un délinquant : haine, vengeance, cupidité, passion... »41. Il est par principe sans effet sur la responsabilité pénale42. La maxime est bien connue, « voler pour aider les pauvres c'est voler ». Mais il peut être exigé dans certaines infractions pour des besoins de qualification. Il est alors caractérisé par le recours aux expressions telles que « dans le but de... », « pour... », « en vue de... », « dans l'intention de... » etc. Il est donc pris en considération dans l'infraction de terrorisme puisque l'article 2 al.1 de la loi dispose que les actes doivent être accomplis « dans l'intention d'intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ; de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation des services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations ; de créer une insurrection générale dans le pays ». La prise en compte du mobile dans la qualification de l'infraction de terrorisme entraine un double constat.
Si le résultat atteint n'est punissable qu e par la seule considération du mobile, « l'acte n'est pas défendu en tant que tel, il ne devient illicite qu'en raison du but poursuivi qui s'avère être malicieux, nuisible ou frauduleux »43. Dans ces conditions, « tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel » seraient des actes licites44, ce qui ne semble pas vrai puisque chacun de ces actes est puni de façon autonome par le Code pénal. Dès lors, une culpabilité sera retenue qu'il s'agisse du terrorisme ou pas étant entendu que « l'infraction est réalisée par le seul comportement visant ce dessein mais indépendamment de sa réalisation effective »45.
Si le résultat est punissable indépendamment du mobile, sa prise en compte dans la qualification de l'infraction devient une circonstance aggravante d'icelle. Ce qui reviendrait premièrement à considérer le terrorisme comme le meurtre aggravé, les menaces aggravées, la mise en danger aggravée etc. Deuxièmement, le terrorisme serait punissable qu'il soit intentionnel ou non, ce qui non seulement confirme l'ébranlement de l'article 74 al.2 du Code pénal, mais également va « terroriser » toutes les personnes poursuivies des faits de terrorisme. En effet, si l'intention est sans effet dans la qualification de l'infraction, aucune cause d'irresponsabilité n'est opérationnelle.
Le constat de l'acharnement de la répression est donc saisissant, ce d'autant plus les moyens utilisés dans la commission de l'infraction ne comptent pas pour la qualifier.
3.2 L'indifférence des moyens utilisés dans la commission de l'infraction
Les moyens sont définis comme « ce qui sert pour arriver à un résultat, à une fin »46. Les moyens utilisés dans la commission de l'infraction comme le mobile, sont indifférents en principe pour sa qualification. Mais il arrive souvent que le législateur les incorpore dans la formulation des infractions. C'est généralement le cas des infractions intentionnelles. Les formules usuelles sont « la fraude »47, « les manoeuvres fallacieuses »48, « la violence »49 etc. L'infraction de terrorisme semble correspondre à cette exigence puisqu'elle est constituée de « tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel ».
L'intérêt de la présence des moyens dans la qualification des infractions est lié au but de détermination du dol spécial. En ce sens, Madame NDOKO soutient que « Les moyens utilisés, outre le fait qu'ils facilitent la preuve de l'intention, la stigmatisent davantage, car ils traduisent la psychologie du délinquant qui veut atteindre un but prohibé par la loi, mais qui est prêt à tout pour l'atteindre »50. Le problème ici est le caractère vague de la formulation des moyens exigés pour la qualification de cette infraction, et qui les rend pratiquement indifférents.
L'article 2 de la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme au Cameroun utilise la formule suivante « tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel». La plupart de ces expressions ont au sein de la doctrine, fait l'objet d'observations relatives à leur caractère vague. On peut l'illustrer en analysant l'infraction de mise en danger.
En effet, celle-ci est prévue par l'article 228 du code pénal sous la qualification d'activités dangereuses51. Il s'agit d'une infraction non intentionnelle punie indépendamment du résultat. Le législateur pose ainsi une obligation de prudence et de précaution aux citoyens dans la réalisation de leurs activités quotidiennes.
Cependant, retenue sous cette forme, cette infraction risque plutôt de freiner toutes ces activités puisque selon Madame NDOKO, « beaucoup d'activités liées au développement, telles que la conduite automobile, le travail dans les usines et ateliers, les métiers du bâtiment, sont susceptibles de présenter un danger pour les autres (le nombre des accidents qu'elles occasionnent sont d'ailleurs l à pour le prouver) mais elles n'en sont pas moins indispensables dans la vie moderne »52. Peut-on alors raisonnablement soutenir que toutes ces activités sont « des moyens » du terrorisme ? La réponse positive ou négative à cette interrogation appelle une double analyse mais qui aboutit à la même conséquence, celle de l'indifférence des moyens utilisés dans la commission de l'infraction.
Premièrement si on répond par la négative, cela suppose que le législateur aurait dû indiquer celles susceptibles de l'être car, il va se poser un problème de la preuve du lien causal entre ces « moyens », le danger qu'ils font courir et le but politique recherché. Si on raisonne comme Monsieur PRADEL que « l'agent, sans vouloir de résultat, a pris volontairement, lucidement, un risque grave en agissant de telle façon qu'il savait que le dommage pourrait se produire »53, on aboutit à une conception subjective du danger dont la survenance repose sur des probabilités, des pronostics et des suppositions. Or la subjectivité est ris que d' « arbitraire judiciaire qu'on prétend empêcher »54 et donc dangereuse dans un domaine aussi délicat et sensible que celui dans lequel les libertés individuelles et même la vie sont en cause.
Deuxièmement, si on donne une réponse positive à cette question, au-delà du constat évident de l'indifférence des moyens utilisés pour commettre l'infraction, c'est presque toute l'activité humaine qui devient dangereuse au Cameroun.
4. Conclusion
En conclusion, la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme au Cameroun a été votée au Cameroun dans un contexte mondial de lutte contre le terrorisme. Mais elle l'a été avec enthousiasme, passion et émotion, dans un « vite vitisme » ce qui laisse place aujourd'hui à des interrogations nourries. La formulation de l'infraction de terrorisme qu'elle emporte a quelques comptes à rendre au Conseil Constitutionnel puisqu'elle heurte certains principes garantis par la Constitution. Il est indiqué qu'une loi explicative soit prise dans le sens d'apporter l'éclairage sur certains aspects de cette infraction, notamment sur sa nature.
2 La Résolution 2178 du Conseil de sécurité engage les Etats à « veiller à ce que la qualification des infractions pénales dans leur législation et leur réglementation internes permettent [...] d'engager des poursuites et de réprimer les actes terroristes ». La Convention de l'OUA de 1999 quant à elle, engage les Etats parties à « [...] établir comme crimes, les actes terroristes ». Pour ce qui est de son protocole, il invite les Etats à « prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits fondamentaux de leurs populations contre les actes terroristes ».
3 J. Pradel, Principes de droit criminel, Droit pénal général , Cujas, 1999, p. 55.
4 R. Merle, A. Vitu, Traité de droit criminel, Problèmes généraux de la science criminelle . Droit pénal général. Cujas, 6ème éd. 1988, p.262.
5 Dictionnaire Le Robert op. cit, V° terrorisme.
6 Lexique des termes juridiques, D.2010.
7 Vocabulaire Henri Capitant, 7ème éd.2006, p.902.
8 Afriqueactualité.com, consulté le 31 juillet 2015.
9 La Nouvelle Expression, n° 3867, Vendredi 5 décembre 2014, p.8.
10 Ibidem
11 M. Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 77.
12 R. Lallemand, « Le droit de punir et le dialogue ambigu du pénaliste et de la conscience », in « Punir mon beau souci, pour une raison pénale », sous la dir. de Michel Van de Kerchove, Publication des facultés universitaires Saint Louis, Bruxelles, 2005, p. 26.
13 F. Tulkens, « Des peines sans droit », Journal des tribunaux, 1998, p. 583.
14 A.Minkoa She, Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Economica, 1999, p. 14.
15 M.Delmas-Marty, « Pour des principes directeurs de la législation pénale », R.S.C., 19, Doct. pp. 225-229.
16 P-G Pougoue, « Les figures de la sécurité juridique », Revue Africaine des Sciences juridiques, n°1, vol. 4, 2007, p. 5.
17 L.C.ambassa, Droit pénal général, augmenté des sujets traités, Col. Leconnu, 1ère éd., 2014, p. 80.
18 Le principe est contenu dans les articles 5 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, et aux articles 11-2 et 22-2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.
19 La Constitution du 18 janvier 1996 dispose que « nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi ». L'article 17 du code pénal indique que « les peines et les mesures sont fixées par la loi et ne sont prononcées qu'à raison des infractions légalement prévues ».
20 C.E.D.H., 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c. France, J.C.P., 1990-II, 21.541, note W. Jeandidier, D., 1990, 1343, note J.Pradel.
21 Dictionnaire Le Robert, 2014, V° Définir.
22 Sur la question, lire V. Lasserre-Kiesow, « La compréhensibilité des lois à l'aune du XXIème siècle », D. 2002, p. 1157 et s.
23 Article 1 al. 3 de la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme 24 Dictionnaire Le Robert op. cit, V° terrorisme.
25 Article 2 al.1 a et b. de la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme.
26 Alinéa 1.
27 Article 2 alinéa 2, a à d, de la loi n°2014/28 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme au Cameroun.
28 Merle et Vitu, Traité, Problèmes généraux de la science criminelle, Droit pénal général, Paris Cujas, 5ème éd., n° 155.
29 G. Rippert, Les forces créatrices du droit, Paris, LGDJ, 1955, p. 355.
30 M. Hauriou, Précis de droit administratif et droit public, Dalloz, 12ème éd., 2002, p. 238.
31 A. Akam Akam, « Libres propos sur l'adages « nul n'est censé ignorer la loi » », R.A.S.J., Yaoundé II, vol. 4, n°1, 2007, p. 51.
32 Koering-Joulin et J.-F. Seuvic, « Droits fondamentaux et droit criminel », A.J.D.A., Juillet-Août 1998, n° spécial, p. 1.
33 R. Merle et A.Vitu, op. cit, n° 160.
34 R. Merle et A.Vitu, op. cit, n° 153.
35 R. Merle et A. Vitu, op. cit, n° 166.
36 Article 147 du code pénal et 4 du code civil.
37 J. Pradel, Procédure pénale, 16ème éd., Cujas, 2011, n° 214.
38 Lire en ce sens, article 74, Circulaire n° 3/DL/1129 du 15 mars 1966, relative à l'application du Code pénal promulgué par la loi n°65/LF/24 du 12 novembre 1965.
39 J. Pradel, Principes de droit criminel, Droit pénal général, Cujas, 1999, p. 125.
40 L'article 74 al.2 du Code pénal dispose que « est pénalement responsable celui qui volontairement commet les faits caractérisant les éléments constitutifs d'une infraction avec pour intention que ces faits aient pour conséquence la réalisation de l'infraction ».
41 Lexiques de termes juridiques, D. 2000.
42 Article 75 du code pénal.
43 N.C Ndoko, La culpabilité en droit pénal camerounais, LGDJ, 1985, p. 126.
44 Tant qu'ils n'ont pas été accomplis « dans l'intention d'intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ; de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation des services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations ; de créer une insurrection générale dans le pays ».
45 N.C Ndoko, op. cit, p. 125.
46 Dictionnaire Le Robert, op. cit, v° Moyen.
47 C'est le cas de l'infraction de pression sur les prix définie à l'article 256 du code pénal. L'infraction vise « celui qui par des moyens frauduleux quelconques opère la hausse ou la baisse artificielle du prix des marchandises ou des effets publics ou privés ».
48 C'est le cas de l'infraction d'escroquerie définie à l'article 318 al.1 c comme le fait de porter atteinte à la fortune d'autrui « en déterminant fallacieusement la victime soit par des manoeuvres, soit en affirmant ou dissimulant un fait ».
49 L'article 255 du Code pénal punit celui qui use de la violence pour amener ou maintenir la cessation du travail.
50 N.C Ndoko, op. cit, p. 128.
51 L'article 228 al.1 dispose qu'« est puni d'un emprisonnement de six jours à six mois celui qui ne prend pas les précautions nécessaires pour éviter à autrui des dommages corporels pouvant résulter de son activité dangereuse ».Al.2 « est puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 5.000 à 500.000 francs ou de l'une de ces peines seulement celui qui par une imprudence grave risque de mettre autrui en danger : a) en se servant du feu, d'explosifs, de combustibles ou de moyens mécaniques ou électriques, ou b) en détruisant, même partiellement, des ouvrages ou édifices non habités même s'il en est le propriétaire ;ou c) en donnant des soins médicaux ou chirurgicaux ou en fournissant ou administrant des médicaments ou autre produits ;ou d) en conduisant, arrêtant ou abandonnant un véhicule ou un animal sur la voie publique ». Al. 3 « est puni des mêmes peines celui qui conduit un véhicule en état d'ivresse ou d'intoxication ».
52 N.C. Ndoko, op. cit., p. 159.
53 J. Pradel, Principes de droit criminel, Droit pénal général, op. cit, p. 125.
54 A. Merle et R. Vitu, Traité, Problèmes généraux de la science criminelle, Droit pénal général, Paris Cujas, 5ème éd., n° 155.
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Lecturer François EDIMO1, PhD.
1 François Edimo - Faculty of Law and Political Science, University of Douala, Cameroon, [email protected].
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Copyright Societatea de Stiinte Juridice si Administrative (the Society of Juridical and Administrative Sciences) Jun 2016
Abstract
Law No. 2014/28 of 23 December 2014 on the suppression of acts of terrorism in Cameroon was enacted in a context characterized by the resurgence of terrorism. But the caution with which it was greeted raises questions about the formal technique used by the legislator. A content analysis of this law, we come to two conclusions: First the legality principle is violated because the offense is not defined and it is formulated in vague terms. Second, the prominence it gives to mobile and indifference of the means used in the commission of the offense exalt guilt.
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