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Carole Pateman - Le contrat sexuel (2010). Paris, La Découverte/Institut Emilie du Châtelet « Textes à l'appui / genre et sexualité ». Trad. Charlotte Nordmann, 336 p.
Paru en 1988, Le contrat sexuel fait partie de ces classiques de la pensée féministe traduits en français après quelques décennies de prudente réflexion.
Une thèse puissante y est à l'oeuvre, qui a valu sa célébrité à Carole Pateman : le contrat fondamental, avant, sous, le contrat social, porte sur l'accès aux corps des femmes pour les hommes. Évidemment, les femmes sont écartées par la plupart des théories du contrat social, du pacte originel qui institue la société civile et l'ordre politique ; mais de manière plus subtile, Pateman cherche à démontrer qu'elles ont été, qu'elles sont encore, dans une position d'interne extranéité par rapport à ce contrat et à l'agencement du monde qu'il compose. Tout comme le privé fait partie du domaine civil tout en en étant radicalement distingué, elles sont incluses dans l'ordre contractuel, en tant que femmes, et cela est précisément la modalité de leur exclusion du cercle des pairs.
Alors que les théories classiques du contrat social les présentent comme inaptes à l'exercice du contrat, car dépourvues de la capacité à sublimer leurs passions (Rousseau), ou de celle de se soumettre aux exigences de l'universalité (Kant), elles y figurent pourtant, comme contractantes dans le cas particulier du contrat de mariage. Le contrat est le principe de la société civile, et les femmes y sont intégrées au moyen d'un contrat dérivé, subalterne, établissant non pas leur égalité statutaire mais leur subordination. Ce contrat est autant fondamental pour l'ordonnancement de l'ensemble qu'il est crucial en tant qu'il entretient l'illusion que la relation d'autorité naît d'un accord.
Certes, le lecteur/la lectrice est gêné e par l'aspect fréquemment brouillon de l'essai : la démonstration revient fréquemment en arrière, bégaie, aplatit dans une linéarité peu convaincante des auteurs aux finalités divergentes, et à l'influence inégale sur l'imaginaire politique contemporain, sur une fiction du contrat social qui projette « l'image de notre moi politique » (p. 304). Pateman s'efforce en effet d'interroger la théorie politique en tant qu'elle s'est répandue dans les grammaires politiques ordinaires ; on comprend...