Résumé
S'intéressant à l'imaginaire religieux des jeunes Québécois, notre formulons l'hypothèse qu'après avoir été « religion nationale » jusqu'à la Révolution tranquille (1960-70) pour ensuite devenir une « religion culturelle » (1970-2000), le catholicisme québécois entrerait progressivement dans une nouvelle phase. S'il est trop tôt, à l'évidence, pour identifier les formes qu'il prendra, des indicateurs - tant locaux, mondiaux que « transreligieux » - nous permettent de constater l'émergence d'un catholicisme de marché chez les jeunes. Ainsi, l'exculturation (Hervieux-Léger, 2003) constatée au Québec comme ailleurs aurait son revers. Nous assisterions, simultanément, à une reconnexion du catholicisme à la culture de la société de consommation. En fait, ces mutations ne seraient pas tant des ruptures que des processus continus, en cascades, dont le déclencheur « originel » pourrait être associé au processus de modernisation qui s'opère dès la fin du XIXe siècle au Québec. Ainsi, bien que l'univers religieux des jeunes soit notre objet, nous tenions à inscrire notre exploration dans un regard plus large sur le religieux et la religion; et ce, pour mieux comprendre religieux et la jeunesse qui est toujours le produit d'une époque, une construction sociale dépendante du monde adulte.
Mots-clés: Jeunes. Religon. Le Catholicisme. Marché.
Resumo
Interessados no imaginário religioso dos jovens quebequenses, levantamos a hipótese de que depois de ser "religião nacional" até a Revolução Silenciosa (1960-1970), antes de se tornar uma "religião cultural" (1970-2000), o catolicismo de Quebec entra gradualmente numa nova fase. Se é muito cedo, obviamente, para se identificar as formas que ele tomará, os indicadores - tanto locais, globais como "trans-religiosos" - permitem-nos constatar a emergência de um mercado de jovens católicos. Assim, a exculturação (Hervieux-Léger, 2003) constatada em Quebec e em outros lugares teria o seu lado negativo (revés). Testemunhamos, simultaneamente, uma reconexão do catolicismo com a cultura do consumismo. Na verdade, essas mutações não seriam tanto rupturas, mas processos contínuos, em cascatas, cujo gatilho "original" pode ser associado ao processo de modernização em curso do final do século XIX, em Quebec. Assim, embora o mundo religioso da juventude seja o nosso objeto, queremos registrar nossa exploração sobre o religioso e da religião em uma perspectiva mais ampla; e desse modo, compreenderemos que as religiões e a juventude são sempre o produto de uma época , uma construção social dependente do mundo adulto.
Palavras-Chave: Jovens. Religião. Catolicismo. Mercado
Abstract
Interested in the religious imagination of young Quebecers, we hypothesized that after being "national religion" until the Quiet Revolution (1960-1970), and before becoming a "cultural religion" (1970-2000), Quebec Catholicism gradually entered a new phase. If it is too early, of course, to identify ways that it will take, the indicators - both local, global and "trans-religious" - allow us to see the emergence of a market for young Catholics. Thus, exculturation (Hervieux-Léger, 2003) observed in Quebec and elsewhere would have its downside. We would witness a simultaneous reconnection of Catholicism with the culture of consumerism. Indeed, these mutations are not disruption, but continuous processes, in cascades, which "original" trigger can be associated with the ongoing process of modernization of the late nineteenth century in Quebec. Thus, although the religious world of youth is our object, we register our exploration of the religious and religion in a broader perspective, and thus we realize that the religion and the youth are the product of an era, a social construction, always dependent on the adult world.
Key words: Youth. Religion. Catholicism. Market
Introduction
Le clip vidéo s'ouvre sur une image et noir et blanc. Bien cadré, le visage d'une jeune fille qui n'a probablement pas encore vingt ans. Tête légèrement inclinée, attitude timide, une larme glisse sur sa joue. « La première fois...», dit-elle d'une voix de confidence. Après un court arrêt, elle poursuit, hésitante : « j'ai pleuré... » L'image disparaÎt brusquement. Sur fond noir apparaÎt l'adresse d'un site Internet alors que le narrateur invite à faire un don pour la mission : « évangélisons le monde », lance-t-il. Retour à la jeune fille, souriante et sans larme cette fois : « le sacrement du pardon, c'est vraiment une belle expérience ».
De toutes évidences, ce clip (ECDQ.TV, 2008a), produit et diffusé par le diocèse catholique de Québec, reprend les codes propres à la publicité commerciale. Comme un certain nombre de campagnes publicitaires, il propose une intrigue sexualisée, l'expression « première fois » faisant allusion à la première relation sexuelle. De même facture, un second évoque quant à lui la consommation de drogue et se termine par « accro à Dieu » (ECDQ.TV, 2008b). Ces publicités de quelques secondes s'ajoutent aux nombreuses heures de reportages et de capsules vidéo disponibles sur le site ECDQ.tv et considérés comme autant « d'outils de communication pastorale » par les autorités diocésaines. Ils ne sont pas sans rappeler ce vidéo-clip1 annonçant l'album de chants grégoriens Credo(Schola Regina, 2011), visionné plus de 50 000 fois jusqu'ici sur YouTube. Sur fond musical de Veni Creator, il met en scène quatre jeunes hommes visiblement tout droit sortis d'un magazine de mode. Les images et la gestuelle, faites de nombreux référents religieux, proposent sans subtilité une esthétique propre à la culture de consommation, et, dans ce cas-ci, à l'univers gai. N'ont-ils pas aussi une quelconque parenté avec ces fameux « lipdubs » catholiques dont on dit qu'ils se multiplient (LeBreton, 2012) et qui font parler d'eux, notamment celui exécuté par de jeunes religieux sur le parvis de Notre-Dame-de-Paris (Brother and SisterAct, 2012)?
À eux seuls, ces productions semblent anecdotiques dans le paysage socioreligieux. Nous pourrions considérer qu'il s'agit de moyens de communication qui ne diffèrent des stratégies communicationnelles des différentes époques que parce qu'ils sont adaptés à la nôtre. Après tout, n'est-ce pas l'accomplissement de ce qu'avait annoncé Peter L. Berger dès 1971, à savoir que « les ex-monopoles religieux ne peuvent plus considérer comme un allant de soi la fidélité de leurs fidèles et que, du coup, une bonne partie de l'activité religieuse en arrive à être dominée par la logique de l'économie de marché »? (Berger, 1971, p.219)
C'est précisément en ces termes que des participants et responsables québécois expliqueront la tenue d'un atelier de formation sur le «marketing et la foi ». « Les religions sont en compétition », dit l'un d'eux. « Mais pas seulement les religions entre elles, mais il y a de nouvelles façons d'en parler qui donnent l'impression que, justement, on est en train de gruger des parts de marché aux religions. Par exemple, tout le langage du spirituel ». « Quand on pense évangélisation, dit un autre, on pense à proposer quelque chose parce que nous, nous sommes convaincus que c'est bon; alors il y a quelque chose qui ressemble à de la vente là-dedans, qui ressemble à du marketing » (ECDQ.TV, 2012).
Seulement, ce recours au marketing comme stratégie d'évangélisation, tout comme la récupération d'événement « profanes » à des fins de publicité religieuse, n'est pas banal. Il témoigne de mutations relativement récentes du religieux et, conséquemment, des religionset ducatholicisme québécois, dans ce cas-ci. Il ne s'agit certes que d'un indicateur. Un indicateur signifiant par contre puisqu'il est cohérent avec un bon nombre d'observations révélant ce qui paraÎt être des axes globaux de (re)composition religieuse. Signifiant également en regard du contexte sociohistorique qui a été celui du catholicisme au Québec. La mutation et la nouveauté tiennent, entre autres, à la situation québécoise où l'Église catholique fut, jusqu'au milieu du siècle dernier,une « religion nationale », l'isolement des autres Églises chrétiennes et du judaïsme ayant été historiquement renforcé par l'appartenance linguistique. Fort à parier qu'il s'en trouverait peu pour s'étonner de telles manifestations en certaines sociétés rompues depuis longtemps à la forte concurrence des Églises.
Dans le cadre du reportage sur le « marketing et la foi » que nous venons de citer, l'un des intervenants conclut son propos en affirmant que « dans le domaine religieux et de la foi actuellement, on n'a pas le choix : il est question de marketing ». Comment expliquer que cette alliance soit perçue comme une implacable obligation, qu'elle soit présentée comme un « allant de soi » désormais? Pour y arriver, nous proposons de cerner, à partir de la configuration du religieux chez les jeunes, le régime de religiosité qui s'installe au Québec et dont le catholicisme contemporain offre des éléments observables.
S'intéressant à l'imaginaire religieux des jeunes Québécois, notre formulons l'hypothèse qu'après avoir été « religion nationale » jusqu'à la Révolution tranquille (1960- 70) pour ensuite devenir une « religion culturelle » (1970-2000), le catholicisme québécois entrerait progressivement dans une nouvelle phase. S'il est trop tôt, à l'évidence, pour identifier les formes qu'il prendra, des indicateurs - tant locaux, mondiaux que « transreligieux » - nous permettent de constater l'émergence d'un catholicisme de marché chez les jeunes. Ainsi, l'exculturation (Hervieux-Léger, 2003) constatée au Québec comme ailleurs aurait son revers. Nous assisterions, simultanément, à une reconnexion du catholicisme à la culture de la société de consommation. En fait, ces mutations ne seraient pas tant des ruptures que des processus continus, en cascades, dont le déclencheur « originel » pourrait être associé au processus de modernisation qui s'opère dès la fin du XIXe siècle au Québec, non sans tensions et conflits avec la dogmatique catholique et les autorités qui la défendirent.Ainsi, bien que l'univers religieux des jeunes soit notre objet, nous tenions à inscrire notre exploration dans un regard plus large sur le religieux et la religion; et ce, pour mieux comprendre religieux et la jeunesse qui est toujours le produit d'une époque, uneconstruction sociale dépendante du monde adulte.
Une bonne part de notre parcours réflexif prendra appui sur les travaux des sociologues Raymond Lemieux de l'Université Laval et E.-Martin Meunier et son équipe de l'Université d'Ottawa. Leurs contributions à l'analyse du catholicisme québécois sont incontournables. Nous nous en servirons pour éclairer nos propres constats.
1 L'évolution du catholicisme québécois
1.1 Église nationale
L'Église catholique fut la matrice culturelle du Canada français jusqu'au milieu du XXe siècle. Après de difficiles années suite à la Conquête britannique, elle s'est imposée comme institution phare pendant près d'un siècle, soit du milieu du XIXe au milieu du XXe. Profitant d'un renouveau religieux qui lui permet de multiplier ses ressources et d'un régime constitutionnelcanadien qui, par défaut, dégage des espaces d'intervention sociale, elle agira en trois domaines : vie religieuse, éducation et charité (Lemieux et Montminy, 2000, p. 30). L'industrialisation, l'urbanisation et les idées de la modernitéqui s'imposeront au tournant du XIXe siècle ne serviront, pendant un certain temps, qu'àfortifier le rôle de l'Église :
La dynamique identitaire des Canadiens français, prise en charge par le clergé catholique, se déploie beaucoup plus facilement en fonction des dangers qu'elle affronte, soit la protestantisation, l'anglicisation et la dissolution dans l'urbanité, que par les projets de société qu'elle pourrait porter. Quand l'urbanisation et l'industrialisation deviendront incontournables, lieux obligés du progrès économique et social, elles seront conçues comme les principaux dangers à affronter. L'identité culturelle se formulera non plus dans ses buts à atteindre mais dans ses précipices à éviter. (Lemieux et Montminy, 2000, p. 32)
Ultramontaine et triomphante, l'Église catholique se trouvera placée en gardienne de l'identité française majoritaire dans la province, mais minoritaire en Amérique. Voilà pourquoi il est possible de parler de religion éthique selon le concept du sociologue Martin E. Marty (1976) :
Si l'on applique rigoureusement le concept de religion ethnique auCanada, on doit convenir que c'est moins sous le Régime français que lecatholicisme a joué ce rôle, même si la présence d'une Église réformatrice ettridentine y a laissé des marques profondes, qu'après la Conquête britannique.Le vacuum créé par le départ des élites civiles a alors permis à l'Église,pourtant pauvre pendant tout le siècle qui a suivi, de se constituervéritablement en Église nationale et de porter au monde la notion même denationalité canadienne-française. Cette religion ethnique a alors été le fait d'unenationalité minorisée, c'est-à-dire désappropriée des signifiants politiques deson identité. L'Église [...]a fourni lelangage, les signifiants et parfois les outils politiques de l'identité nationale. (Lemieux, 1990, p. 151)
Si son emprise (par ses engagements en éducation, notamment) lui permet un temps de résister, la même puissance opérera de l'intérieur lorsque les assauts de la modernité ne pourront plus être repoussés. « Il y a indubitablement, au coeur même de la société traditionnelle, une créativité moderne du catholicisme québécois » (Lemieux et Montminy, 2002, p.48), contribuant au passage d'une éthique post-tridentine à une éthique personnaliste (Meunier, 2007) et, le temps venu, ouvrant la porte aux transformations sociales de la Révolution tranquille tout autant qu'aux transformations ecclésiales de Vatican II (Routhier 1993; 2006).
Dans l'imaginaire collectif québécois, la Révolution tranquille est associée à la libération l'Église. Les lectures historiques récentes montrent que cette rupture tient davantage au mythe - avec toute sa puissance, ses effets et, dans une certaine mesure, sa nécessité - qu'aux faits historiques. Les importants changements des années 1960 trouvent leurs ferments dans l'univers catholique des années 1940 et 1950 (Meunier et Warren, 2002). Cela dit, les mutations ne furent pas moins importantes pour autant. Sur le plan social, la modernisation de l'État entraÎna une laïcisation des structures éducatives et de santé. Sur le plan culturel, la société se sécularise, c'est-à-dire que les Québécois sont désormais en mesure de se penser et de penser leur rapport au monde à l'extérieur de l'autorité des traditions religieuses (Berger, 1971).
Pour l'Église catholique québécoise, l'effet combiné de la Révolution tranquille et de Vatican II a des conséquences remarquables : baisse draconienne de la pratique dominicale, remise en cause et perte de crédibilité de l'autorité ecclésiale, membres du clergé quittant massivement, redéfinition du rapport au monde, valorisation du rôle des laïcs, développement de projets à l'extérieur du cadre traditionnel de la paroisse, etc. Au sujet de la question nationale, c'est sans doute Raymond Lemieux qui, ici encore, résume le mieux le passage:
Le XXe siècle a plutôt produit une petite et moyenne bourgeoisie d'affaires en lutte constante pour son progrès social, moins anticléricale qu'indifférente aux débats des clercs qui ne la touchaient guère. Les intellectuels n'y ont pourtant pas été au dernier rang: ils en ont porté, en quelque sorte, la conscience. S'ils se sont permis, comme leurs pères, d'être anticléricaux, cela aura été cependant moins par crainte des clercs que pour légitimer leur propre place de nouveaux définisseurs de situation en accusant d'obscurantisme ceux qui les ont précédés. Quand cette bourgeoisie nouvelle fut en mesure, avec la Révolution tranquille, de se donner les leviers politiques nécessaires à la réalisation de ses aspirations, le nationalisme a cessé de transiter par les symboles et les pouvoirs religieux pour s'inscrire directement sur la scène politique. Le Québec (qu'il faut désormais distinguer du Canada français) est alors passé directement de la religion ethnique, sauvegarde de son identité nationale minorisée, à la religion séculière, moteur de son dynamisme nouveau, remplaçant ses cadres de référence catholiques par les dogmes de la technique, la gnose du progrès et la mystique de la sécularisation. (Lemieux, 1990, p. 153)
Ces changementssociaux, politiques et culturels se traduiront par diverses attitudes à l'égard de la religion, allant du « décrochage »à l'engagement social au nom d'une foi qui n'a pas (ou plus) besoin d'étendards (Hamelin, 1984, p. 356-362). Ainsi, de la fin des années 1970 au tournant du XXe siècle, deux grandes dimensions semblent résumer le catholicisme; sans doute serait-il même plus juste de parler de deux catholicismes de plus en plus distincts.
1.2 Catholicisme culturel
Au sein de la population québécoise francophone persistera un catholicisme « culturel » (Lemieux, 1990; Lemieux et Montminy, 2000; Meunier, Laniel et Demers, 2010). Il se caractérise par une forte appartenance, un maintien des demandes pour les sacrements et les rites de passage et un faible taux de pratique dominicale.
En intégrant ainsi ce qui est jugé fondamental pour l'avenir du monde, le catholicisme québécois, religion d'appartenance mais non pas religion d'engagement, représente alors l'entente nécessaire sur l'ensemble des valeurs capables de rassembler les êtres humains. [...] Dans ce contexte, cependant, il ressemble de plus en plus à un catholicisme sans Église, sans communauté de foi et sans identité qui lui soit propre. (Lemieux et Montminy, 2000, p.88)
La situation québécoise n'est pas étrangère à de nombreux pays européens où « le style de la vie politique, le contenu du débat public sur les problèmes sociaux, la définition de la responsabilité de l'État et celle de la responsabilité de l'individu, la conception de la citoyenneté, les visions de la nature et de l'environnement et les règles concrètes de la civilité, etc., ont pris corps dans des contextes historico-religieux qui continuent de les orienter » (Hervieu-Léger, 2003 b, p. 293)
À ce sujet, E.-Martin Meunier, Jean-François Laniel et Jean-Christophe Demerssuggèrent que le régime de religiosité associé à la période 1970-2001soit traversé par trois logiques indépendantes. D'abord, une « logique de la croyance » où au fort taux s'associent différents processus : individualisation, subjectivation, personnalisation des contenus, itinéraires de sens, compénétration de croyances « catholiques » et exogènes (Meunier, Laniel et Demers, 2010, p. 104). Ensuite, une logique « du mariage et de la pratique religieuse » où l'on retrouve des taux extrêmement bas qui « donne[nt] l'impression de relever d'une logique de mise à distance où un rapport critique à l'institution catholique serait en jeu » (p.105). Enfin, « une logique de l'appartenance et du baptême » qui, étonnamment révèle une forme de stabilité depuis 30 ans : 90 % des francophones se disent catholiques en 2001 (88,5 % chez les 15-24 ans) et le taux de baptême au sein de familles qui se disent catholiques se situe, toujours en 2001, à 91 %. « Affirmation socioculturelle aussibien qu'identitaire, la logique de l'appartenance et du baptême semble ainsi relever de la dimension du catholicisme culturel », concluent les chercheurs (p.107).
1.3 Catholicisme engagé
Alors qu'une forte majorité de la population québécoise appartient à ce catholicisme culturel, une part -moins importante et plus difficilement quantifiable - demeurera engagée dans la vie de l'Église. Pour elle, la période 1970-2000 sera celle des grandes remises en question et des expérimentations liées aux réformes de Vatican II, à la montée du renouveau charismatique, à la réorganisation interne de l'Église, à la solidarité avec les mouvements sociaux alors en pleine effervescence (souverainisme, développement de l'État en santé, services sociaux et éducation, féminisme, etc.). Ce dernier courant, héritier du personnalisme et inspiré, pour les « plus à gauche », par la théologie de la libération, sera important dans le catholicisme des décennies 1970 et 1980. On y retrouve une élite intellectuelledont la vision de l'avenir de l'Église et de la société saura se faire entendre auprès d'un épiscopat qui, sur plusieurs questions, demeure coincé entre l'arbre et l'écorce, entre les revendications d'ici et les décisions romaines. Ce catholicisme social engagera un certain nombre de chantiers de réflexion sur la contribution de l'Église à une société qui s'est sécularisée à vitesse grand V et dont plusieurs de ceux qui appartiennent à ce courant ont étéacteurs sinon complices de ce processus.
En somme, les lendemains du concile déchantent. Sans être « totalement désorienté et déprimé », le catholicisme québécois est « secoué, blessé perplexe, mais les projets étaient encore nombreux, et la mobilisation ne faisait pas défaut ». Pour l'Église du Québec, il ne s'agissait pas simplement de mettre en oeuvre Vatican II, mais d'apprendre à être Église dans une société transformée par la Révolution tranquille et la révolution culturelle qui marqua profondément tout l'Occident. Au début des années 1970, on faisait plutôt un constat de crise et on n'était pas loin de penser que le concile avait produit des fruits décevants. On faisait en effet face à une crise du clergé, crise du laïcat engagé en Action catholique, crises des couples et de la famille, cirse de la paroisse, crise de la vie religieuse et une crise de la transmission ou une crise de la foi, pour ne rien dire de la crise d'autorité dont on parlait tant dans l'Église de cette époque. (Routhier et Mauger, 2006, p. 111)
Suite à ce qui fut appelé la « crise des mouvements d'action catholiques », les évêques québécois mettent sur pied la Commission d'étude sur les laïcs et l'Église (1968- 1971) dont le sociologue Fernand Dumont assure la présidence. Dans un chapitre sur les jeunes, les propos sont révélateurs du contexte d'incertitude qui prévalait:
Mais il est quasi normal que des jeunes s'intéressent peu à un héritage : ils se voient moins comme des héritiers que comme des inventeurs ; ils sont tournés vers un avenir à construire. Si bien qu'ils spontanément portés à penser même leur foi en termes d'un futur à inventer. Or, quand les jeunes regardent vers l'avenir, ils ont peine à cerner l'horizon... D'une part au plan social et politique, se dessine un Québec incertain. D'autre part, il faut bien admettre que les propositions que l'Église leur offre par son fonctionnement et les attitudes des chrétiens adultes engagent peu. Une jeunesse qui n'est plus sûre de son avenir se trouve acculée soit à sombrer dans l'indifférence, soit à déployer un effort vraiment rénovateur. À travers les jeunes générations, l'Église trouve à la fois son procès et ses chances. (Commission d'étude sur les laïcs et l'Église, 1971, p.173)
Les « catholiques engagés » de cette période ont conscience que les destins de l'Église et de la société québécoise bifurquent. Au-delà de la situation de l'Église catholique au Québec, c'est de la place du spirituel et du religieux dont on s'inquiète. Làdessus, par leur nombre, leurs postulats et leurs conclusions, les enquêtes sur le rapport des jeunes au religieux menées dans la décennie 1990 est un intéressant indicateur(Grand'Maison, 1992a; 1992 b; Grand'Maison, Baroni, Gauthier, 1995; Ministère de l'Éducation, 1992; Conseil supérieur de l'Éducation, 1992; Lemieux et Milot, 1992; Germain et al., 1986). Convaincus des mutations profondes, on cherche à évaluer la rupture et la perte, mesurer la dérégulation, comprendre comment les jeunes en arrivent à se construire alors que l'esprit de l'époque semble être à l'indifférence religieuse.
Le terme « religion » ne circule plus de façon univoque chez les jeunes, et nous nous sommes intéressés à savoir d'abord ce que ceux-ci y apposent comme contenu, les relations qu'ils font avec les autres champs de l'expérience. Rien ne nous autorise plus à penser que les jeunes structurent leur vision du monde, leur sensibilité et leur art de vivre selon l'ancien paradigme religieux. Rien ne nous autorise même à penser que la religion soit un cadre de référence pour eux comme elle l'a été pour leurs aÎnés, ni qu'elle le soit plus. (Germain et al., 1986, p.10)
Certaines de ces enquêtes prennent pour hypothèse que le pluralisme culturel, l'indifférentisme religieux, les valeurs de la culture économiste dominante et le fatalisme « font obstacle à la recherche éthique, spirituelle et religieuse des jeunes » (Ministère de l'Éducation, 1992, p.2).
Pour l'Église catholique, « un dilemme terrible surgit dans l'esprit de plusieurs responsables pastoraux » écrit-on pour expliquer la grande enquête menée à l'Université de Montréal par Jacques Grand'Maison et son équipe. « Allons-nous consacrer toutes nos énergies aux impératifs de survie de l'Église institutionnelle, au moment où tant de gens frappés par les crises sociales et économiques sont eux-mêmes en situation de survie? Qu'advient-il des nouvelles solidarités tissées depuis 40 ans entre nous et nos milieux humains respectifs? » (Grand'Maison, Baroni, Gauthier, 1995, p.11)Dès lors, ce qui fut d'abord un constat s'impose comme une explication commode, sans cesse répétée depuis dans le milieu ecclésial : il existerait un fossé de plus en large entre l'Église et la culture, entre la foi et la vie quotidienne des Québécois, voire entre le spirituel et le matériel. Fossé qui condamne les intervenants pastoraux à être écartelés et qui fait craindre à plusieurs que société québécoise et Église catholique s'en trouvent définitivement réduites à deux solitudes.
2 Jeunes et religion au Québec
Ce survol de l'évolution du catholicisme québécois n'est pas un détour. Il apparaÎt incontournable à qui veut cerner l'évolution du rapport des jeunes à la religion au Québec. D'une part, le poids historique et culturel du catholicisme explique qu'il soit la référence constante à la fois pour les jeunes lorsqu'ils définissent leur rapport à la religion et pour les chercheurs, ces derniers ayant peine à explorer d'autres formes du religieux. D'autre part, parce que si est forte la tentation d'associer jeunesse et innovation, il semble de plus en plus évident que sur le plan religieux, nous ne sommes pas dans une situation de rupture, mais de continuité. En somme, et c'est ce que nous souhaitons explorer maintenant, les jeunes sont héritiers du contexte que nous venons de décrire. Qu'il en soit ainsi ne signifie en rien qu'aucun changement ne s'opère. Toutefois, la nouveauté ne s'inscrit pas a contrario du régime précédent, mais dans la suite.
À quelques reprises, nous avons eu l'occasion de proposer un état des lieux sur les rapports entre les jeunes et la religion(Gauthier et Perreault, 2008 et 2011; Perreault, 2011, 2008 et 2006). Nous reprenons en partie ici les principales conclusions en y ajoutant de nouvelles considérations.
2.1 Éléments repères
De manière volontairement synthétique, formulons cinq repères permettant de cerner la configuration de l'univers religieux des jeunes Québécois.
La « déchristianisation » est très certainement le repère le plus évident et confirmé par nombre d'enquêtes tant qualitatives que quantitatives. En rafale, quelques chiffres significatifs tirés de la plus récente et plus complète analyse statistique disponible, compilant à la fois les données de sondages, des recensements et des Enquêtes sociales générales de Statistique Canada (Meunier, Laniel et Demers, 2010). Malgré la forte majorité de jeunes Québécois francophones se disant catholiques chez les 15-24 ans (72,5 % en 2006), ce taux est en déclin de plus de 12 % en 8 ans pour la même tranche d'âge et de population (en 1998, 85 % 15-24 ans parlant français à la maison se disaient catholiques). On retrouve chez les jeunes de la « génération Y » (nés entre 1976 et 1990) le taux de pratique religieuse hebdomadaire le plus faible : 4,1 % en 2006 alors qu'il sera de 8,8 % pour les baby-boomers (nés entre 1945 et 1965). Alors que les plus jeunes (génération Y) mettent les pieds dans le monde adulte au tournant des années 2000, le nombre de baptêmes diminue de plus de 13 % en 5 ans : alors que73,5 % de l'ensemble des nouveau-nés étaient baptisés en 2001, ils ne seront plus que 59,95 % en 2006.
De manière plus globale, les plus jeunes sont enclins, selon les sondages, à juxtaposer des croyances hétérodoxes sans qu'il y ait pour eux d'incohérence : 43 % des jeunes de 16-35 ans se disant catholiques croient en la réincarnation2. La majorité (57 %) n'affirme que difficilement leurs convictions religieuses, le quart d'entre eux avoue n'avoir jamais feuilleté la Bible et, en grande majorité (81 %), ils ne connaissent pas le nom de leur évêque.
Plus difficile à saisir, cette déchristianisation serait aussi une déculturation religieuse. Nombre d'intervenants (en pastorale catholique mais aussi en éducation) le confirmeront. Ils estiment que les jeunes qu'ils rencontrent ont peu de connaissances générales sur le christianisme,connaissances jugéespar ailleurs essentielles par ces mêmes intervenants pour comprendre tant l'évolution que la situation actuelle des sociétés occidentales. Quelques données quantitatives sont disponibles à ce sujet. Pensons notamment à un sondage réalisé en 2008sur la culture religieuse des Québécois3dont le principal intérêt est de montrer l'écart entre les 55 ans et plus et les 35 ans et moins. Cela dit, ne faut-il pas demeurer prudent? La culture religieuse ne peut être réduite uniquement à des énoncés de connaissances qui, lors d'enquêtes ou de sondages, sont inévitablement décontextualisées. Ainsi, que seulement 8 % des 18-34 ans se disant catholiques arrivent à nommer les quatre évangélistes (contre 18 % chez les 55 et plus) est un indicateur intéressant. N'empêche qu'il nous informe assez peu, au final, de la vision du monde et du rapport à la religion des répondants.
L'individualisation du religieux et la désarticulation entre croire et appartenirest l'une des caractéristiques de l'univers religieux contemporain. Cela dit, il n'est en rien propre aux jeunes. Au Québec, les premières manifestations sont détectées, selon l'étude comparative menée par Madeleine Gauthier (1996), avant même la Révolution tranquille des années 1960. Que l'individu soit juge ultime des propositions de sens a pour effet l'éloignement croissant du religieux vécu et cru de l'orthodoxie des institutions. Plus qu'une désaffection, il s'agit d'une désarticulation entre les croyances et l'appartenance à une confession particulière. Nous sommes face au fameux « believingwithoutbelonging » de Grace Davie.
Nous assistons donc au « divorce des représentations et des organisations religieuses », l'appartenance religieuse déclarée ne correspondant « pas nécessairement un univers représentationnel conforme aux propositions de celle-ci » (Lemieux, Montminy, Bouchard et Meunier, 1993, p. 96). Situation semblable concernant la croyance en Dieu : elle n'a jamais été aussi plurivoque. Ces constats, datant pour la plupart des années 1990, semblent tout aussi valides aujourd'hui. La prégnance de l'individu, combiné à la recherche d'authenticité (Taylor, 2003), semble même avoir colonisé le religieux « traditionnel » en s'alliant à l'individualisme religieux proprement chrétien. (Hervieu-Léger, 1999, p. 162 et ss.)
Ce rapport distancé à l'égard des orthodoxies institutionnalisées qu'entraÎnent l'individualisme et la désarticulation entre croire et appartenir a pour corollaireune attitude de fond appelée possibilisme ou probabilisme.Le probabilisme atteste de l'indétermination des croyances : « pourquoi pas? », « on n'en sait rien, au fond », « je ne peux pas dire si c'est vrai ou faux puisque ce n'est pas mon expérience », etc. Cette tendance marque un affaiblissement de l'importance des contenus de croyance au profit de leur performativité, de leur efficacité et de leur utilité. Une utilité qui n'est pas qu'instrumentalisation, mais qui renvoie à leur efficience dans l'articulation de projets de vie.
Une autre constante qui ressort des études et des travaux est la cristallisation irréversible du rapport immanent au sens. Tant pour les adhérents que les non-adhérents au christianisme, le sens de l'existence se situe d'abord dans la vie elle-même : « le christianisme est au service de l'épanouissement terrestre ou il n'est pas » (Lambert et Michelat, 1992, p. 7). Force est de constater l'insistance sur l'immanence du Dieu chrétien (humanité de Jésus, incarnation), accompagné d'un enseignement religieux et de pratiques pastorales qui ont rompu volontairement avec l'image du Dieu transcendant du catéchisme d'autrefois pour miser sur la proximité et l'intimité. Dieu est (re)présenté suivant cette visée mondaine, nourrissant la quête sans y mettre fin. Ainsi, le sens demeure toujours à découvrir, à réaliser, à construire. Il n'est plus révélé une fois pour toutes.
L'immanence du sens est corolaire de cette autre caractéristique du religieux qu'est la préséance de l'expérimentation sur la représentation. L'utilité des croyances précédemment évoquée prend appui sur cette expérience : « c'est vrai parce que c'est efficace, parce que je le mesure dans mon vécu. » Plutôt qu'une foi donnée, c'est la vie elle-même et ses expériences qui construisent (et déconstruisent) lescroyances, donnent une substance aux représentations religieuses, chrétiennes ou « bricolées ». Le régime de l'orthodoxie a cédé le pas à un nouveau régime de l'être correctement en phase, sommé de constamment se prouver, c'est-à-dire un ordre de l'orthopraxie. Ce ne sont plus les contenus de la croyance qui font sens, mais bien l'indétermination du sens qui apparaÎt désormais comme la condition des itinéraires.
Il apparaÎt clairement que ces diverses caractéristiques sont interdépendantes. Le salutprend désormais la formule de la quête du bonheur individuel en ce monde. Le bonheur donne sa cohérence à toutes ces caractéristiques que partagent les jeunes avec les adultes : hédonisme, pragmatisme, individualisme, expérimentation, tolérance et relativisme. Dans ces conditions, seule l'expérience prouve la vérité et la croyance doit être appropriée, choisie, vécue. Du coup, seul le lieu de l'expérience (le présent) a une consistance véritable. Et, paradoxalement, nous pourrions dire que c'est dans les limites de ce présent que les jeunes construisent leur histoire. Dans son ouvrage L'adolescence hypermoderne, le chercheur Jocelyn Lachance démontre clairement que la manipulation du temps, notamment à travers la culture numérique, est un enjeu de sens et d'autonomie :
Ces adolescents vivent dans une culture de l'ipséité et, pour se préserver du risque omniprésent de la dispersion identitaire, ils recréent de l'unité là où ils semblent parfois s'éparpiller. C'est pourquoi la culture juvénile contemporaine est basée en grande partie sur des actes de reconfiguration de la temporalité. Ces actes de reconfiguration consistent en une réorganisation des évènements dispersés de la vie par le récit. [...] En se racontant, le jeune refait son histoire. Il recrée des liens entre différents épisodes de son parcours et relie à nouveau son passé à son présent. [...] À la différence des récits intimes [des jeunes générations d'hier], le partage de son histoire sur Internet [blogues, médias sociaux] appelle à un travail collectif de restitution du sens. (2011, p. 94)
2.2 Génération d'héritiers
Ces repères que nous venons d'esquisser n'appartiennent pas qu'à l'univers religieux des jeunes. En soi, ce constat est un résultat de recherche. Il nous invite à considérer autrement la jeunesse actuelle qu'en termes de rupture, de nouveauté, de discontinuité.
Certes, la sécularisation a eu des effets majeurs. À ce titre, les jeunes forment ce que nous pourrions appeler les premières générations de sécularisés, c'est-à-dire des cohortes qui n'ont pratiquement pas connues le catholicisme comme « superstructure » symbolique et matérielle de la société québécoise. Le catholicisme qui fut le leur est celui de « la religion de la sortie de la religion », pour reprendre l'expression consacrée de Marcel Gauchet. De la même manière, nous pouvons dire que ce sont les enfants de « la crise de transmission religieuse ». Et là-dessus, les chiffres que nous venons d'avancer sont clairs : une déchristianisation s'opère.
Cela dit, faut-il rappeler que la rupture (de pratique religieuse, de transmission, du rapport au catholicisme...) n'est pas la leur, mais celle de leurs parents. Si l'arrivée de ces jeunes générations introduit une nouveauté, cette nouveauté n'en demeure pas moins, pour eux, un héritage. Au plan social et culturel, les jeunes sont des « héritiers institutionnels » si ce n'est que par l'accès à l'éducation, aux services sociaux et de santé (Gauthier, 2003, p.10). En ce sens, leur rapport au religieux est en continuité.
La transmission des normes et des valeurs boomers, qui s'est effectuée par une rationalisation sans précédent et notamment par l'entremise des réseaux de communication de masse toujours plus puissants et omniprésents dès la plus tendre enfance (télévision, cinéma, publicité, Internet) a peut-être été plus efficace que tout ce qui a été mis en branle naguère comme mode de socialisation. (Meunier, 2008, p.55)
Depuis les années 1970, nous serions donc dans une sorte de continuité tranquille. Une telle perspective appelle des déplacements : il n'est plus uniquement question de tenter de comprendre pourquoi les jeunes sont distants de l'Église catholique au Québec, mais en quoi sont-ils héritiers. Passer, donc, d'une interrogation sur la perte et l'absence à une enquête sur la configuration de l'univers religieux qui est le leur en étant attentif à ce qui a été transmis.
3 Vers un catholicisme de marché
Le rapide portrait de l'évolution du catholicisme au Québec qui nous a occupés en première partie se résume au passage d'une Église nationale à un catholicisme culturel. Les repères permettant de saisir ce qu'il en est de l'univers religieux des jeunes Québécois catholiques invitent à les considérer comme des héritiers du baby-boom, s'inscrivant dans une continuité sur le plan religieux, marqué par un recul du christianisme, une individualisation du croire, un rapport immanent au sens, un salut intramondain, une orthopraxie...
Dès lors la question est de savoirsi, au regard d'une période plus longue et dans une perspective plus globale, la trajectoire indiquée par cette continuité tranquille nous place face à une recomposition du religieux, à l'entrée d'un nouveau régime.
3.1 Vers un nouveau régime de religiosité?
Après la religion ethnique et la religion culturelle, plusieurs indicateurs invitent à considérer avec sérieux l'hypothèse voulant que le Québec s'avance, depuis le début des années 2000, vers un régime de religiosité pluraliste, selon la typologie proposée par E.- Martin Meunier et Sarah Wilkins-Laflamme (2011). Une part importante du Canada anglais semble déjà avoir fait ce passage. Au sein du régime pluraliste, on retrouve à la fois l'appartenance à différentes traditions, Églises ou mouvements religieux et un taux important (plus de 20 %) de « non-appartenance ». Contrairement au régime culturel, le découpage entre appartenance et non-appartenance semble se cristalliser : ceux qui appartiennent à une religion sont attachés à la pratique hebdomadaire et aux rites de passage; ceux qui ne pratiquent pas se déclarent tout simplement sans religion. Le changement important également quant à la fonction des rituels vécus. À la différence du régime culturel, « ces rituels sont loin d'être uniquement des faits de culture. S'ils marquent l'identité, c'est pour enraciner celle-ci dans un univers parfois en rupture avec la culture ambiante et les tendances de la société contemporaine » (Meunier et Wilkins-Laflamme, 2011, p. 716). Meunier et Wilkins sont clairs : s'il est trop tôt pour conclure à la fin du catholicisme culturel au Québec, « force est de constater que ses bases s'effritent et que sa reproduction n'est plus assurée comme auparavant. » (2011, p. 719)
L'intérêt de cette proposition pour notre propos repose sur la mise en lumière des conséquences de ce changement de régime annoncé sur la configuration de l'expérience religieuse au sein du catholicisme contemporain. Nous pourrions être tentés de réduire la continuité tranquille à une érosion plus ou moins lente du catholicisme au Québec; auquel cas il n'y aurait pas de troisième régime : après le catholicisme culturel viendrait la disparition. Cette perspective, qui a été celle d'une certaine compréhension de la sécularisation, ne résiste pas à l'observation sur le terrain. Il existe bien une certaine « vitalité paradoxale » du catholicisme chez les jeunes (Lemieux et Montminy, 1992; Perreault, 2008) qui font dire à certains d'entre eux qu'ils ne vivent pas un catholicisme de la fin, mais du début, c'est-à-dire plus en phase avec le christianisme des origines.
Ce régime pluraliste qui semble poindre est la résultante du processus d'exculturation, c'est-à-dire de « déliaison de l'affinité élective » entre la culture commune et la culture catholique (Hervieu-Léger, 2003a, p. 97). Ce processus correspond à ce que nous avons reconnu dans les pages précédentes comme un fossé entre l'Église et la société provoquant un repli et un isolement entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.
Aux dires d'Olivier Roy, cette exculturation n'annonce pas la fin de la religion, mais « le temps de la religion sans culture ». Retranchée et à la recherche de « la pureté de la seule foi », la communauté religieuse en vient « à déconnecter volontairement les marqueurs religieux d'une culture perçue comme païenne » (Roy, 2008, p.154). S'installe alors « une méfiance envers le savoir religieux avec l'idée que, premièrement, il n'est pas besoin de savoir pour être sauvé, et deuxièmement que le savoir peut détourner de la vraie foi. » (Ibid., p.189) L'élaboration d'une religion de la sortie de la culture religieuse de la religions'expliquerait par « l'anomie de la réflexion religieuse qui, à force de ne pas penser les conditions de l'interaction du sujet croyant dans la société, a laissé aller les choses ». Ainsi, « la foi devient une idée, un concept sans attache qui circule en vase clos, s'excluant délibérément de toute contingence. » (Fortin, 2007, p.265)
Ce mouvement s'observe effectivement sur le terrain. Les jeunes qui sont aujourd'hui mobilisés par le catholicisme le sont sous des modalités qui avaient été peu valorisées, sinon évacuées, d'un certain catholicisme québécois postconciliaire : adoration eucharistique, pèlerinage, dévotion mariale, grands rassemblements (Montées jeunesse, JMJ, Congrès eucharistique international, Fête-Dieu), processions dans les rues, etc. S'il fut un temps où la présence de l'Église catholique auprès des jeunes se traduisait en des projets d'engagement social (Action catholique), de loisirs ou de culture, les principaux investissements des diocèses portent dorénavant sur des activités « spécifiquement religieuse», alliant rassemblement festif, éducation de la foi et pratiques cultuelles.
Nous pourrions nous arrêter ici et conclure que le processus de sécularisation a entraÎné au Québec un régime de religiosité particulièrement manifeste chez les jeunes où la population de culture catholique se trouve scindée en deux groupes distincts : 1) les religieux qui se réapproprient le catholicisme en des formes « néotraditionalistes » exculturées et déconnectées de la culture dite « profane », évoluant en marge, carburant à un « pur religieux » (Roy, 2008); 2) les sans religionde culture catholique pour lesquels le rapport au religieux se réduit, non sans ambiguïté, à une « question de valeurs », à un réservoir de rites et dont la déculturation religieuse laisse présager une liquidation de ces références à court ou moyen terme.
Or, cette conclusion n'est acceptable que si nous demeurons sourds à ce que nous disent les jeunes de leur imaginaire religieux. Suite à la revue des principales recherches menées au Québec et en Europe au cours des dernières années (Gauthier et Perreault, 2008; Perreault, 2011), à nos entrevues qualitatives et à nos observations (Perreault, 2012), un constats'impose : la majorité des repères servant à décrire l'univers religieux des jeunes (présentés ici en partie 2) concernent tout aussi bien les jeunes religieux catholiques que les jeunes sans religion ou « distants ». Le salut intramondain, l'immanence du sens, l'individualisme et la quête d'authenticité, le probabilisme, la préséance de l'expérimentation sur les représentations sont tout aussi présents et importants chez le jeune catholique mobilisé que chez celui qui affirme, d'emblée, ne pas être intéressé par les questions religieuses, trouvant sens à sa vie dans ses relations amicales, sa musique et ses engagements sociaux ou professionnels. Même pour ce qui est de la « déculturation religieuse catholique », elle est repérable, bien que dans une moindre mesure, chez les jeunes religieux engagés en Église.
Conséquemment, il faut s'expliquer que bien que la sortie du catholicisme culturel mène à deux mouvances (religieux/sans religion) de plus en plus distinctes, voire opposées, ces deux mouvances procèdent, à l'évidence, d'un esprit commun.Sinon, comment comprendre, pour ne prendre que cet exemple, que la religiosité des grands rassemblements jeunesse catholiques, à travers le récit qu'en font les jeunes qui y participent (Perreault, 20012, 2006a, 2006 b et 2005), ait davantage à voir avec l'expérience des sous-cultures musicales comme les raves(Gauthier et Ménard, 2001; Gauthier, 2004 et 2008) qu'avec l'expérience religieuse catholique de leurs grands-parents?
3.2 Religieux, religion et régulation
Qu'on en commun un jeune JMJiste et un jeune raver? De toute évidence, pas le même rapport à la religion. Est-ce dire qu'il ne participe pas pour autant du même religieux? Cette distinction entre religion et religieuxest heuristique. Les religions sont ces systèmes solidaires de sens et de croyances, institutionnalisés et confessants, c'est-à-dire explicites. Les religions proposent, par la lignée croyante dans laquelle l'individu s'inscrit (Hervieu-Léger), une réponseà l'ab-sens(Raymond Lemieux) en offrant une voie de « salut » ou de « libération », selon les traditions. Ainsi, elles sont « une communication symbolique régulière par rites et croyances se rapportant à un charisme fondateur (ou refondateur) et générant une filiation. » (Willaime, 2003, p. 260)
Le religieuxquant à lui,relève du processus d'établissement, à travers l'activité humaine, d'un ordre englobant toute la réalité- un cosmos sacré dirait Berger - etdéterminant « le vraisemblable ». Sans reprendre en tous points sa définition, nous suivons ici Alain Caillé lorsqu'il définit le religieux comme étant, « le fait des sociétés et/ou des individus dont ellesse composent; [...]des individus agissant et (se) pensant entant qu'individus, en tant que membres d'un groupe déterminé, membres dela société, ou en tant que parties prenantes de l'humanité ou du cosmos engénéral. »En somme, « le religieux est à la religion ce que le politique est à la politique. » (Caillé, 2003, p. 318 et 319). Il ne s'agit pas d'une substance, mais d'une catégorie (Gauthier, 2008).Il adopte donc une configuration particulière selon l'époque, la société et la culture; nous parlerons alors de religieux contemporain.
Ainsi, nous pourrions dire du religieux qu'il n'est pas tantce que permet la croyance, mais ce qui la permet : il offre un endoxa déterminant ce que l'on est autoriséà croire (Certeau, 1983). La croyance doit s'inscrire implacablement dans une « unité imaginaire de la société, le vrai semblable d'un monde où l'être humain [...] puisse trouver une place effective, c'est-à-dire pensable, imaginable. » (Lemieux, 1993, p. 39)
Ainsi, la situation actuelle n'est en rien dérégulée. Le religieux est le fruit d'une régulation configurant l'imaginaire commun en déterminant le vraisemblable. Et insistons : il ne s'agit pas du vrai-au sens d'une révélation ou d'un charisme - mais du vraisemblable.La régulation ne vise pas la substance, le contenu de la croyance, mais la fonction, l'utilité. Voilà comment s'explique, notamment, le probabilisme chez les jeunes : la croyance de l'autre est acceptable dans la mesure où elle lui est utile, c'est-à-dire qu'elle lui permet de poursuivre sa quête du bonheur, trouver son « salut » en ce monde.
Conséquemment, c'est dire que la régulation de ce religieux est efficiente en ce qu'elle soumetles différentes religions au vraisemblable de la société dans laquelle elle évolue. À notre avis, c'est de ces effets régulateurs dont il est question lorsque certains constatent« une structure idéologique homothétique » (Liogier, 2009, p. 136)ou une homogénéisation des modes de croire, au-delà des contenus de croyance (Hervieu-Léger, 2001). Ainsi, tant l' « islam de marché » (Haenni, 2007), la « consommation mystifiée » (Dawson, 2011), l'influence de l'éthos consumériste sur le port du voile en Tunisie (Ben Salem et Gauthier, 2011) que le catholicisme du sacré mis en marché lors du Congrès eucharistique international de Québec (Perreault, 2012) rendent compte d'un religieux mondialisé. Et c'est dans cette perspective que nous lisons les travaux d'Olivier Roy alors qu'il fait la remarquable démonstration de ladéconnexion des religions d'avec les cultures locales. Des référents donnent toujours corps à une identité religieuse, nous dit Roy, mais ils sont détachés du contexte culturel de façon telle « que c'est la culture en tant que telle qui disparaÎt, asséchée par la norme religieuse. » (Roy, 2008, p. 186) Voilà l'un des traits du régime de religiosité pluraliste décrit plus avant. Roy explique la diffusion de ce « pur religieux » par sa mise en marché : un religieux culturellement désencré devient un produit que l'on importer, exporter et consommer. « Le "retour du religieux" contemporain n'est en rien un retour, mais une conséquence de la mondialisation » (Ibid. : 209), soutient-il.
Malgré cela, nous divergeons d'avec l'analyse d'Olivier Roy lorsqu'il se trouve, dans notre perspective, à réduire cette régulation du religieux à un strict formatage.Hardi d'expliquer que des jeunes se trouvent mobilisés que par une question d'emballage qui n'aurait plus rien à voir avec la culture, quelle qu'elle soit. La forme de « pur religieux », telle qu'on la retrouve chez les jeunes, n'est pas qu'un modelage aux conditions de la libre circulation dans un marché mondialisé. Cette « mise en forme » n'est, à notre avis, que la face visible de la conformité du « produit » aux conditions déterminant ce qui est « croyable ».
3.3 Religieux et régulation de marché
Le recours aux termes « marché » ou « société de consommation » peut semer la confusion. Dans notre perspective, le religieux ne se trouverait pas ici régulé comme dans un marché. L'analogie entre marché, religieux et religion n'est utile que pour mieux cerner des symptômes. Quand vient le temps du diagnostic, elle s'épuise.Il nous faut aller plus loin et prendre au sérieux l'affirmation de Marcel Gauchet voulant que nous assistions à l' « unification [du monde] sous le signe du marché », et ce, jusqu'au « régime du croyable. » (Gauchet, 1998, p. 66). C'est bien de régime dont il est question et non de contenu de croyances.
Imaginons que nous soyons face à un jeu de mécano. Le projet à réaliser est celui d'une hypermodernité dont les caractéristiques correspondent, pour l'essentiel, à ce que nous avons appelé ici les repères de l'univers religieux des jeunes. Les pièces sont fournies par la culture, au sens large du terme : croyances, coutumes, visions de l'humain et de la vie tant séculières que religieuses. Les instructions de montage, c'est-à-dire la régulation et le « comment faire », sont du marché. La fonction des pièces (les contenus religieux et culturels), leur appropriation, leur utilité, leur agencement reposent sur le guide de montage qu'est le marché - et non sur la simple disponibilité du jouet. Ainsi, la régulation de marché n'invente pas le projet ou les aspirations. En ce sens, la question n'est pas de déterminer s'il s'agit de formes religieuses attribuables à l'hypermodernité (Lambert, 2000) ou à la société de consommation. Il ne s'agit pas de l'un ou de l'autre, mais de l'un et de l'autre. Ils'agit d'un religieux qui ne se présente nicomme dans un marché ni dans un credo exclusif au marché; mais bienpar sa mise en marché.
Ainsi, lorsque les jeunes nous disent qu'ils ont « le bonheur » pour projet de vie ou que la famille est importante pour eux (Pronovost et Royer, 2004), ils ne poursuivent pas des fins consuméristes. Toutefois, l'inscription de ce projet dans l'ordre englobant du vraisemblable et du valorisé sera soumise à une régulation de marché : consommation de signes créant une identité et une place dans la société, prétentions de liberté, performativité, etc.; et ce, jusqu'à la possibilité de renégocier, au moment venu, la forme de la famille pour en adopter une autre (divorce et famille reconstituée).
Il y a un « esprit » du marché qui, s'il relève d'abord et avant tout d'une régulation, il n'en demeure pas moins un modèle aux « conséquences anthropologiques incalculables [...] C'est la constitution intime des personnes [qu'il] contribue à remodeler. » (Gauchet, 1998, p. 119) Ainsi, la force de cet esprit n'est pas dans une dogmatique, mais dans l'indétermination du contenu ; une indétermination qui n'est que l'inversement de l'exigence de construire, pour soi, le sens. La régulation à laquelle nous référons est précisément ce qui dirige (regulare) l'individu afin qu'il sache comment faire et non quoi faire. Dès lors, nous conviendrons qu'il y a un « être soi » propre à la société de consommation et à l'héritage boomer qui n'est pas celui des sociétés de traditions. En toute conséquence logique, il est également raisonnable de prétendre que la religiosité contemporaine (confessante ou non) procède de cette « manière d'être » propre à nos sociétés.Voilà ce que nous avons appelé ici le religieux contemporain.
Conclusion : exculturation etreconnexion
Nous proposition est donc que l'exculturation et le « pur religieux » qui marquent le catholicisme n'est que l'un des versants du régime de religiosité dans lequel les jeunes Québécoissemblent entrer. L'autre face est une(re)connexion avec l'esprit du marché. Cet esprit se reconnaÎt à plusieurs caractéristiques plus ou moins variables selon les contextes : prégnance de l'individu, de l'identitaire et du distinctif, de l'utilité et de la performativité, de l'autonomie et du constructivisme des itinéraires de sens. Ces traits ne lui sont pas exclusifs : ils procèdent aussi de prérogatives propres à la (ultra) modernité, l'avènement de la société de consommation étant le quatrième et dernier tournant axial (Lambert, 2000).
En revanche, la particularité de cette régulation de marché est la soumission de ces représentations à un idéal de la libre circulation et de libre inscription. Cet idéal est non seulement l'axe de (re)composition des univers de sens individualisés, mais il est le principe sur lequel les logiques de marché s'autojustifient. Que l'adhésion d'un individu à un univers de croyances et de pratiques soit le résultat d'un libre choixsuffit à rendrece choix valable. Et pour que ce choix soit libre, il doit y avoir à la fois 1) une diversité de l'offre et 2) une prétendue liberté d'engagement. La liberté et l'autonomie de construire son propre itinéraire rendent légitime cette régulation : elle va désormais de soi. Voilà pourquoi nous affirmions que ce n'est pas tant comme dans un marché, mais par la mise en marché que les propositions des traditions religieuses se présentent aujourd'hui.
Dès lors, les conséquences sont nombreuses et fondamentales. Elles ne concernent pas que la mise en forme des propositions émanant des religions confessantes ou de systèmes de sens « séculiers ». C'est le rapport au temps (tradition, mémoire, âges de la vie) et à l'espace (territoire, nation, espace religieux/espace « profane »), la vision de l'engagement et de la fidélité, la solidarité et la communalisation (explicitement religieuse ou non) qui s'en trouvent transformées.
Une question demeure : s'il y à la fois exculturation et reconnexion, la régulation de marché correspond-elle à une « culture », auquel cas il y aurait (ré)inculturation? Il va sans dire que la réponse tient à la définition de la culture que nous adoptons. Disons, pour faire image, que si elle est cette toile de signification à laquelle l'homme est suspendu et qu'il a lui-même tissée (Geertz, 1973), le marché déterminerait la configuration des fils. Et ces logiques de marché ne sont certes pas étrangères à ce que Fernand Dumont appelle la culture première - selon sa fameuse distinction d'avec la culture seconde -, soit quelque chose de l'ordre d'un donné : « les hommes s'y meuvent dans la familiarité des significations, des modèles et des idéaux convenus : des schémas d'action, des coutumes, tout un réseau par où l'on se reconnaÎt spontanément dans le monde comme dans sa maison » (Dumont 1968, p. 51).
Chose certaine, le marché (et son corollaire la société de marché et de consommation) ne peut être réduit à un simple ensemble de marqueurs ou de codes. Par ailleurs, à lui seul, le marché peut difficilement être considéré comme une culture dans la mesure où, sans l'apport de visions du monde et de la destinée humaine, religieuses comme séculières (incluant celles du capitalisme, d'ailleurs), il ne demeurerait qu'une coquille vide. Voilà pourquoi nous préférons parler, à ce moment-ci de notre analyse et de notre réflexion, d'un esprit du marché. Espérant, bien entendu, que les discussions et les remises en question sachent nous faire avancer.
1 Nos remerciements à Jean-François Mayer pour nous avoir fait connaÎtre ce clip et partagé ses interrogations à travers son blogue: http://orbis.info/2011/04/catholicisme-francais-nouvelles-modes-nouveaux-styles/
2 Selon un sondage CROP/Radio-Canada réalisé auprès de jeunes de 16 à 35 ans en 2002 (500 répondants).
3 Selon un sondage CROP « La culture religieuse au Québec » réalisé en 2008 (500 répondants, marge d'erreur de 4 points, 19 fois sur 20).
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Jean-Philippe Perreault*
Artigo recebido em 23 de maio de 2012 e aprovado em 11 de junho de 2012.
* Doctorant en sciences des religions et chargé de cours à l'Université Laval, Canadá. País de origem: Canadá. E-mail: [email protected]
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Copyright Pontificia Universidade Catolica de Minas Gera, Programa de Posgraduacao em Ciencias da Religiao Apr-Jun 2012
Abstract
Interested in the religious imagination of young Quebecers, we hypothesized that after being "national religion" until the Quiet Revolution (1960-1970), and before becoming a "cultural religion" (1970-2000), Quebec Catholicism gradually entered a new phase. If it is too early, of course, to identify ways that it will take, the indicators - both local, global and "trans-religious" - allow us to see the emergence of a market for young Catholics. Thus, exculturation (Hervieux-Léger, 2003) observed in Quebec and elsewhere would have its downside. We would witness a simultaneous reconnection of Catholicism with the culture of consumerism. Indeed, these mutations are not disruption, but continuous processes, in cascades, which "original" trigger can be associated with the ongoing process of modernization of the late nineteenth century in Quebec. Thus, although the religious world of youth is our object, we register our exploration of the religious and religion in a broader perspective, and thus we realize that the religion and the youth are the product of an era, a social construction, always dependent on the adult world. [PUBLICATION ABSTRACT]
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