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Delphine Naudier et Maud Simonet (eds) - Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements (2011). Paris, La Découverte, 251 p.
Faut-il « des humains sans qualités pour faire une recherche de qualité?» (p. 13). Non, répondent sans détour Delphine Naudier et Maud Simonet, à l'initiative de cet ouvrage - Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements - qui met en question 'l'engagement' des scientifiques. Ce recueil d'articles s'inscrit en cela dans le « mouvement réflexif » 1 qui parcourt les sciences humaines et sociales depuis les années 1980, et a massivement gagné la sociologie au tournant des années 2000. Pour autant, ce livre ne constitue pas un simple épigone d'une déjà (trop ?) longue série. Les auteures éludent en effet habilement, dans leur introduction, la question de la neutralité axiologique chère à Max Weber, en postulant d'une part qu'un e scientifique est toujours engagé e, et d'autre part que cet engagement a une valeur heuristique. Ainsi, plutôt que de s'embourber dans une réflexion tautologique autour de l'impossible accession au tutélaire point de vue de Sirius de l'humain du fait même de sa qualité d'humain, Delphine Naudier et Maud Simonet nous invitent à une réflexion féconde centrée sur les pratiques, donc sur les méthodes à l'épreuve de l'action, des sociologues en activité. Ce faisant, elles déplacent le questionnement sur le terrain des « règles sociales » du champ scientifique qui permettent de garantir la validité des productions des « travailleurs de la preuve2 ».
L'ouvrage se distribue en trois temps successifs, les contributions s'articulant autour de cette idée phare : les sociologues « travaillent avec, mais aussi sur et grâce » (p. 6) à leurs engagements.
La première partie s'attelle aux engagements militants et propose, au travers des expériences de quatre chercheur e s chevronné e s, un retour critique sur des parcours où action militante et action scientifique s'entrecroisent et se rejoignent pour soutenir la cause de minorités opprimées en raison de leur sexe, de leur classe ou de leur origine ethnique. À l'instar de Bernard Pudal, qui, soutenant « l'idée qu'on participe biographi1 quement aux 'opérations historiographiques ' auxquelles on associe ses recherches » (p. 26), met en perspective engagement personnel, production intellectuelle sur la socio-histoire du communisme...