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1. Science et fiction à l’épreuve du réchauffement climatique
La récente production littéraire ayant pour objet le réchauffement climatique1 constitue un terrain d’observation important pour penser les frontières externes et internes de la littérature. Plus précisément, cette production permet d’interroger, tout d’abord, les relations plurielles et variables que la littérature entretient avec d’autres discours et savoirs. Elle permet d’interroger également la dialectique entre permanence et innovation (des codes, des structures et des procédés formels) qui caractérise nécessairement le discours littéraire lorsqu’il est confronté à l’émergence de nouveaux référents, problèmes ou paradigmes que la littérature reflète et reconfigure à la fois, en contribuant à leur définition.
Toute production discursive concernant le réchauffement climatique implique et demande une corrélation étroite entre science, politique et fiction. Le lien entre les deux premiers termes apparaît d’emblée évident, dans la mesure où les prévisions alarmantes sur le futur de notre planète élaborées par les scientifiques devraient interpeller les décideurs afin qu’ils prennent des mesures politiques locales, nationales et globales visant à réduire les facteurs anthropogéniques du changement climatique2.
En revanche, le rôle et la position de la fiction/imagination littéraire dans la réflexion sur le changement climatique sont plus difficiles à cerner de manière nette. Le discours scientifique sur le réchauffement climatique et les débats ou mesures politiques en cours d’élaboration fournissent les données et les matériaux « bruts » que la littérature réélabore à sa propre manière selon les exigences de la fiction – d’où la présence fréquente d’un apparat bibliographique en appendice des romans, censé témoigner du travail préparatoire de documentation mené par l’écrivain. La littérature, à son tour, offre à la politique des visions du futur, et à la science, un cadre narratif utile à la vulgarisation.
Plus précisément, en ce qui concerne le rôle attribué par la politique à la littérature, il faudrait mentionner la fonction de sensibilisation et de création d’une conscience publique immanquablement attribuée aux fictions climatiques dans les revues ou magazines, les concours littéraires ayant pour thème le réchauffement climatique promus par des revues de science-fiction en collaboration avec le gouvernement3,ou encore l’intérêt que les chercheurs en sciences politiques portent, ces derniers temps, aux spéculations écologiques de la science-fiction (voir par exemple Rumpala, « Ce que la science-fiction »,