Résumé: Loin d'être leurs intentions, il nous semble que c'est comme mus par une main invisi- ble, semblable à celle qui a été développée en économie par Adam Smith, que les locuteurs, dans la recherche de la performance individuelle, soient conduits à contribuer à l'enrichissement de leurs langues sans que cela soit leur intention. Pour Adam Smith, c'est en recherchant l'enrichissement personnel que les individus enrichissent aussi la nation. Pour lui, c'est une main invisible qui les conduit à atteindre un objectif qui n'était pas dans leurs intentions, d'autant plus que c'est dans ce cas qu'ils sont bien plus rentables à la société que s'ils avaient l'intention d'y contribuer. C'est fort des ces similarités entre les faits de la main invisible en économie, et ce qui semble être les manifes- tations des mêmes faits dans les langues, que nous tentons d'y suggérer l'énonciation de la même théorie. Utiliser une théorie économique pour expliquer certains faits de langues n'est pas nouvelle. Le sociolinguiste français Louis-Jean Calvet a trouvé une similarité entre la loi du marché, qui détermine la valeur d'échange d'une monnaie, et les valeurs respectives des différentes langues du monde qui sont soumises à leur degré de diffusion. En nous appuyant sur la théorie de la main invisible en économie, nous discuterons d'abord de l'énonciation de cette même théorie dans les langues, avant d'examiner ses implications dans la confection de dictionnaires au Gabon. Pour mener à bien ce travail, nous nous référons exceptionnellement au dialecte fang ntoumou de Bitam, pour ce qui est naturellement applicable aux autres langues du Gabon.
Mots clés: DICTIONNAIRES, experts, langues, lexicographie, locuteurs, main INVISIBLE
Abstract: The "Invisible Hand" in Languages and the Compilation of Local Dictionaries. Although it is not their intention, it seems that dictionary users are often guided by an invisible hand similar to the one developed in economy by Adam Smith. By seeking individual performance, they end up contributing to the development of their languages without being their intention. To Adam Smith, it is by seeking personnel development that people develop the nation as well. According to him, it is an invisible hand that leads them to reach that purpose which was not their intention, and as a result they turn out to be more profitable to society than if it had been their intention to make that sort of contribution. Regarding these similarities between the manifestations of the invisible hand in economy and in languages, this paper is an attempt to enunciate the same theory in languages. Using a theory from the field of economy to explain facts in languages is not a new approach. The French sociolinguist Louis-Jean Calvet founded a similarity between the law market which determines the exchange value of a currency, and the respective values of the differ- ent languages in the world which correspond to their degree of diffusion. Referring to the invisible hand in economy, we discuss first the enunciation of the same theory in languages, before analyzing the implications for the compilation of dictionaries in Gabon. This paper refers specifically to Bitam fang ntoumou dialect, for an analysis which is obviously also relevant to other Gabonese languages.
Keywords: dictionaries, experts, invisible hand, languages, lexicog- raphy, SPEAKERS
Introduction
L'application d'une théorie économique afin de démontrer certains faits de langues n'est pas une nouveauté. Le sociolinguiste français Louis-Jean Calvet (2004), a en effet déjà usé de la même démarche. Il s'est appuyé sur la loi écono- mique du marché, dans lequel la force d'une monnaie dépend de sa valeur d'échange, pour essayer d'expliquer la différence entre les valeurs des différen- tes langues du monde en fonction de leur degré de diffusion. Discuter des mêmes causes et effets observés dans les langues et similaires à la main invisible en économie, nous taraudait l'esprit. La démarche de Calvet nous a donné de l'assurance.
Pour l'économiste et philosophe écossais du siècle des Lumières Adam Smith (1723-1790), les activités économiques ne sont pas fondamentalement générées par l'intervention de l'Etat. Pour lui, ces activités proviennent plus en grande partie du produit de l'ensemble des actions qui emmènent les individus qui sont comme mus par une sorte de main invisible, vers la recherche de l'inté- rêt et du profit personnel, que celles provenant des activités menées par l'Etat. Combinées aux mécanismes du marché, ces activités menées par les individus permettent à chacun d'eux, de contribuer non seulement à s'enrichir personnel- lement, mais également à accroître la richesse de l'Etat. Pour cet économiste, la recherche de l'intérêt individuel est alors le plus sûr moyen d'oeuvrer pour accroître la richesse des nations.
Pourquoi pensons-nous qu'il est possible d'évoquer une main invisible dans les langues semblable à celle développée par Adam Smith en économie? Nous partons du constat que la langue n'est pas fondamentalement générée par l'in- tervention des experts. Nous ferons ici particulièrement allusion aux linguistes et lexicographes pour ne citer que ceux-là. Ces derniers, ne font que signaler, représenter, standardiser et analyser les activités linguistiques des locuteurs et les mécanismes linguistiques qui les sous-tendent. Le fonctionnement et le développement d'une langue, proviennent donc de l'ensemble des activités des locuteurs résultant des milliers de décisions spontanées individuelles que ceux- ci prennent dans leurs incessants besoins de communiquer. Combinées aux mécanismes linguistiques, ces activités permettent à chacun des locuteurs, de contribuer non seulement à mieux performer personnellement, mais également à enrichir la langue de leur communauté, sans que ce cela soit leur intention. La recherche de la performance individuelle, peut alors être perçue comme le plus sûr moyen d'oeuvrer pour développer les langues. Ne voyons-nous pas dans ces faits empiriques comme les manifestations d'une main invisible dans les langues semblable à celle énoncée par Adam Smith en économie? Ce sont ces faits empiriques qui nous ont fait germer l'idée d'une énonciation dans les langues d'une théorie de la main invisible, semblable à celle développée en économie par Adam Smith. Cette théorie aura donc nécessairement des impli- cations en lexicographie. Nous allons essayer de les analyser en nous référant à la confection de dictionnaires au Gabon.
Pour faire ressortir l'intérêt, les objectifs et les enjeux de ce travail, nous commencerons d'abord par présenter brièvement la théorie de la main invisible telle qu'énoncée par Adam Smith. En nous y renvoyant, nous discuterons ensuite de la proposition d'énonciation de la même théorie dans les langues. Nous terminerons ce travail par une analyse des implications de cette théorie en lexicographie à partir de certaines données de la confection des dictionnaires bilingues monodirectionnels que nous conduisons au Gabon. Pour mener cette analyse, nous nous référons exceptionnellement au dialecte fang ntoumou de Bitam, pour ce qui est naturellement applicable aux autres langues du Gabon.
1. "La main invisible" en économie
1.1 La théorie
La main invisible est une expression célèbre que nous devons à Adam Smith, économiste anglais, considéré comme le père de l'école libérale. Il a décrit com- ment par la recherche de l'intérêt individuel et du profit et par les mécanismes du marché, chaque citoyen contribue non seulement à s'enrichir personnelle- ment mais également à accroître la richesse de la collectivité. Pour lui, la recherche de l'intérêt individuel est le plus sûr moyen d'oeuvrer pour accroître la richesse des nations et le rôle de l'État doit être strictement limité.
C'est de la même façon que nous pensons que la recherche de la perfor- mance linguistique individuelle est le plus sûr moyen pour accroître la richesse des langues. De ce fait, le rôle des experts, en particulier des linguistes fonda- mentalistes et descripteurs, qui est tout aussi important, ne doit être toutefois limité qu'à signaler et à standardiser cette performance. Voici la théorie de la main invisible telle qu'énoncée par Adam Smith:
Ce n'est que dans la vue d'un profit qu'un homme emploie son capital. Il tâchera toujours d'employer son capital dans le genre d'activité dont le produit lui per- mettra d'espérer gagner le plus d'argent. (...) A la vérité, son intention en général n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté; et en dirigeant cette industrie de manière que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain; en cela, il est conduit par une main invisible, à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses inten- tions; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt per- sonnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler.
1.2 Implications de la théorie
La théorie énoncée par Adam Smith a des implications dans le fonctionnement de l'économie. Pour lui, c'est tout d'abord une façon élégante de souligner que l'État n'a pas à se mêler de la vie économique et que les mécanismes du marché valent bien toutes les lois du monde. Le fonctionnement du marché trouve à sa base des milliers de décisions individuelles où chaque acteur économique cherche naturellement les moyens de s'enrichir personnellement. Ensuite, l'expression d'Adam Smith est bien plus qu'une simple métaphore: elle résume un programme idéologique, celui qui vise à faire du marché l'unique régula- teur de l'ensemble de la vie économique. C'est pourquoi l'expression est si fré- quemment reprise, par ceux qui s'opposent à ce programme, aussi bien que par ceux qui en sont partisans.
2. Les raisons d'"une main invisible" dans les langues
Comme nous l'avons déjà dit dans nos propos liminaires, il y a des faits empi- riques qui nous laissent croire qu'il pourrait bien exister une main invisible dans les langues similaire à celle qui est en économie. Nous constatons que le locu- teur est poussé vers la recherche de la performance individuelle dans le souci de mieux communiquer et, crée involontairement par cette voie, des formes de la langue qui sont ensuite attestées par la communauté entière. En fang ntou- mou de Bitam, ce sont les locuteurs qui ce dynamisme linguistique, ont offert aujourd'hui à leur langue des mots tels que nsômono (littéralement argent nu pour signifier argent liquide ou espèces), Sikolo (école), Sitogho (chaussette), angong (cadenas), ngaa (fusil), biyéne (lunettes), messisse (allumettes), Dokira (Docteur), nlohaoussa (littéralement tête d'Haoussa pour signifier bouilloire, à cause de la ressemblance entre le couvercle de cet ustensile et la coiffure des peuls du Cameroun), etc. Ce sont là des mots auxquels les locuteurs n'auraient certaine- ment pas pensé.
Comme en économie, cette recherche de la performance individuelle n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour les langues, que cette fin n'entre pour rien dans les intentions de ce dernier. En effet, on constate que tout en ne cherchant que son besoin personnel de communiquer, l'individu contribue souvent d'une manière bien plus naturelle, donc plus efficace pour l'intérêt de la langue, que s'il avait réellement pour but d'y contribuer.
Toutefois, Il est très important qu'on nous comprenne à notre juste propos: nous ne voulons aucunement exclure les experts des questions de langues de la vie de celles-ci en général, et de celles locales du Gabon en particulier. Nous voulons simplement signifier comme en économie, que l'intervention de l'Etat, qui pourrait être assimilée à celle des experts dans les langues, est bien évidem- ment nécessaire mais seulement à certains égards. Les experts linguistes font ressortir et analysent les mécanismes linguistiques que les locuteurs utilisent inconsciemment, tandis que d'autres experts élaborent des ouvrages de lecture, des grammaires et des dictionnaires par exemple. Ils ne se substituent pas toutefois aux locuteurs. Ils ne font que décrire l'usage que ces derniers font de leur langue dans l'accomplissement de ses fonctions de communication. Cheik Anta Diop (1979: 345), dit que la langue est une entreprise de longue haleine où les modalités des locuteurs tout comme celle des experts ne s'excluent pas du tout.
Il est donc question dans le traitement des langues locales du Gabon dont il est question dans ce travail, que les experts, comme dans les langues qui essaiment avec bonheur aujourd'hui telles que l'anglais et le français par exem- ple, respectent le fait que les manifestations orales et écrites de ces langues ont déjà été fécondées par les locuteurs. Ils ne leur restent plus qu'à les signaler, les représenter, les étudier et à les standardiser afin de formaliser et de démocrati- ser leur usage.
2.1 Les locuteurs et l'écriture française dans l'usage local
Le besoin de communiquer et la recherche des moyens pour y parvenir sont naturels chez l'homme. Ce n'est qu'un aspect d'une caractéristique qui lui est générale: la recherche de l'intérêt personnel et la nécessité vitale de s'adapter à son environnement. Dans le souci de représenter les manifestations écrites loca- les pour les besoins du développement du Gabon1, les administrateurs locaux et français se sont naturellement appuyés sur l'orthographe et l'alphabet latin de l'écriture française, qui a certes intégré la société gabonaise par la force de la colonisation. Nous considérons l'écriture comme "la liste de signes graphiques pouvant être employés pour la notation de manifestations écrites", cf. Chiss et Puech (1983: 18). Ce sont donc les milliers de décisions individuelles prises par les locuteurs depuis la période coloniale dans le souci personnel... de domes- tiquer la science et la technologie, de défendre et défaire rayonner la culture, en un mot aux besoins suscités par des conceptions ou des pratiques qui apparaissent2... qui ont fourni les manifestations écrites locales existant aujourd'hui.
Le Gabon indépendant en 1960, se devait de se moderniser, et s'appuyer sur l'écriture française était l'approche la plus plausible qui soit pour se doter d'une graphie locale moderne. L'écriture d'une langue ne sort nullement toute armée des cerveaux de quelques démiurges. Elle émerge des locuteurs eux-mêmes qui s'approprient des signes usuels qu'ils soient locaux ou allogènes provenant de leur environnement immédiat. Toutefois, il est vrai que les locuteurs doivent attendre l'autorité extérieure des experts pour déclarer le caractère officiel de l'usage des signes d'une écriture. Pendant un temps, les premiers ont en effet l'intuition que la graphie qu'ils utilisent n'est pas légitime, si l'autorité exté- rieure des experts n'en a pas encore déclaré le caractère officiel. C'est le cas en fang ntoumou de Bitam avec les noms des différents villages et tribus tels qu'Esseng, Essabeigne, Effack, Nkolmengoua, Biléossi, Medoumou, etc. Ces noms qui sont au départ souvent griffonnés par les locuteurs sans beaucoup d'assurance, sont repris tels quels par les officiers de Γadministration civile et d'Etat. Les locuteurs sont souvent surpris de constater que leur graphie est prise en compte.
Le processus de la standardisation d'une écriture est l'inverse de qui est communément admis. Les experts l'extraient des formes courantes de la gra- phie germée par les locuteurs. Ce n'est donc pas en réalité une minorité com- pétente d'experts qui statuent en tant que tel sur l'écriture d'une langue. Ces derniers ne font que standardiser ce qui remonte à la surface des milliers de décisions individuelles prises par les locuteurs face aux besoins de représenter leur langue. Cela atteste les propos de Cheikh Anta Diop (1979: 345) déjà cités en supra en rapport avec les implications respectives des locuteurs et des experts dans l'entreprise langue. Au Gabon, les locuteurs ont donc comme mus par une main invisible, instrumental!sé l'écriture française présente dans leur environnement immédiat, afin de transcrire les langues locales du Gabon pour diverses raisons prosaïques. Cela à donner naissance à une graphie que nous essayons de présenter dans ce corpus ci-dessous. Se voulant être représentatif, ce corpus montre les transcriptions de certains mots courants désignant des essences locales, des groupes ethnolinguistiques, des noms de villes et de per- sonnes:
Padouk, Ekouk, Bifoun, Ngozè, Mouvingui, Sorro, Moabi, Douka, Doussié, Doussala, Matsanga, Ndzigou, Obiang, Muet Ou Mvett, Moussoungou, Fougamou, Matamba, Mboudi, Bioiti, Ndjémbè, Gnèmbwè, Mpassa, Ngouoni, Révignet, Azizetngounié, Mvoung, Oveng, Megwang, Nyanga, Nkolmengoua, Mayumba, Oyogouyogou, Melhogouane, Dufule, Mbami- soghè, Nkolmessass, Mpouna, Adoua, N lodè, Bouénguidi, Doya, Megwa, Okwè, Woleu, Ntem, Assala, Ogouée, Kougueleu, Rompavet, Ndjolé, Essassa, Mindoubé, Bindoumessang, Woubâé, Doussala, Koulamoutou, Minkwe, Boukandou, Akéndengué, Ekang, Eyang, Bakoumba, Ndong, Mavoungou, Ovan, Nzeng, Oyoubi, Nzouba, Bibang, Moundounga, Ndinga, Mpouhot, Nzengue, Nzengui, Medouneu, Mindoungani, Tchibanga, Biboulou, Mboudi, Okoumé, Ntoutoume, Iboundji, Mitzic, Moussavou, Assoumou, Padouk, Kevazingo, Bounguendza, Mimongo, Massango, etc.
Le dictionnaire des noms propres du Gabon3 ainsi que Les plantes utiles du Gabon: l'essai d'inventaire et de concordance des noms vernaculaires et scientifiques des plantes spontanées et introduites du Gabon4 parmi tant d'autres ouvrages de référence, confirment comment locuteurs eux-mêmes sont à l'origine de l'écriture de leurs langues pour diverses raisons concrètes. Il ne reste plus aux experts qu'à signaler les formes graphiques qui sont fréquentes et en extraire l'écriture des différentes langues locales du Gabon.
2.2 Les locuteurs et la terminologie française dans l'usage local
Ce qui vient d'être démontré dans le cas de la graphie des langues locales du Gabon, insinuée à la base par les locuteurs eux-mêmes, est exactement ce qui se produit également dans la terminologie. Il n'est donc pas nécessaire de reprendre une autre démonstration qui ne se distinguera qu'à quelques variables près avec celle qui a déjà été réalisée plus haut. Nous pouvons seulement dire que la terminologie locale moderne actuelle, émane de milliers de décisions individuelles d'emprunter en grande partie au français5, les mots manquant dans les langues locales dans le souci des locuteurs locaux d'accroître leur seule performance personnelle. Dans la nécessité de s'adapter à la société moderne qui est sans cesse en mutation, les locuteurs doivent intégrer des dizaines de milliers de mots et les concepts que ces derniers véhiculent. Ces mots sont liés à l'économie, à la politique, au social, à l'administration, à la justice, aux finances, au commerce, à l'industrie, aux sciences, aux techniques, à l'informatique, à l'électronique, à la mécanique, au sport, à la drogue, à la violence, à l'armement, à la culture, à l'histoire, à l'environnement, l'art, la musique, l'architecture, etc. Certains mots ont été intégrés tels qu'ils ont été empruntés, quelques uns ont été modifiés pour se conformer aux structures linguistiques locales et d'autres ont été remplacés par des termes locaux.
C'est donc comme mus par une main invisible que les locuteurs ont euxmêmes initié l'enrichissement et la modernisation de leurs langues locales, car il faut toujours rappeler que cela ne rentrait pas dans leurs intentions au départ. La terminologie d'une langue ne naît pas des créations lexicales provenant des experts. Comme avec l'écriture, les locuteurs doivent seulement comme attendre l'autorité extérieure des experts pour déclarer le caractère officiel de l'usage d'un nouveau mot local, un mot étranger ou qui en résulte. En fang ntoumou de Bitam, ce sont les cas par exemple de mema (maman), pepa (papa), nsengavion (aéroport), nsengndama (stade), ndama (ballon, football), banque, ordinateur, université, ministre, etc. Les locuteurs ont en effet pendant un temps, l'intuition que l'usage de ces mots n'est pas légitime, si l'autorité extérieure des experts n'en a pas encore déclaré le caractère officiel. Comme avec l'écriture, ils sont souvent donc assez surpris de voir que c'est leur usage qui est décliné par les experts. Ils penseraient qu'ils auraient mal intégré maman (mema), papa (pepa), ou qu'ils n'auraient même pas dû le faire au départ, ou qu'ils ne devraient pas utiliser les mots français université, ministre, etc., qui sont allogènes au fang ntoumou de Bitam.
Le processus de la standardisation des nouveaux mots est semblable à celui de l'écriture. Il est l'inverse de qui est communément admis. Qu'un nouveau mot, local ou étranger, entre dans une langue, ne signifie pas que cela est l'oeuvre d'une minorité compétente d'experts. Ces derniers ne font que le signaler et en démocratiser l'usage.
3. La théorie de "la main invisible" dans les langues
En remplaçant les variables économiques par les variables linguistiques dans la théorie de la main invisible d'Adam Smith, on obtient une énonciation de la main invisible dans les langues. Comme dans les activités économiques, nous pensons que c'est dans la recherche de la performance individuelle à travers les mécanismes de la langue, dont les locuteurs n'ont pas conscience, que chacun d'eux contribue non seulement à s'enrichir personnellement, mais également à développer la langue qui va servir à la collectivité toute entière. Ils utilisent inconsciemment l'apocope par exemple, pour faire jouer à la langue sa fonction poétique, une des six fonctions du langage développées par Jakobson (1963). C'est ainsi qu'en fang ntoumou de Bitam, dans éfasse tsite (gigot de viande) et éfousse si (lopin de terre), éfasse (gigot) et éfousse (lopin) perdent leurs phonèmes Issel, et on dit éfa tsite et éfou si pour une meilleure sonorité ou poésie de la langue. Ils peuvent encore utiliser ce qui est appelé l'emprunt direct analysé par des auteurs tels que Madiba (2001: 64-74), en prenant directement dans le français en particulier, les mots dont ils ont besoin dans leur langue. Il est donc naturel d'entendre les locuteurs du fang ntoumou de Bitam, intégrer les mots tels que Ministre, Député, Sénateur, Ciment, Brique, Carreau, Rideau, Glaçon, Glace, Université, Lycée, Banque, Crédit, Télévision, Dictionnaire, Ordinateur, Téléphone, etc. dans leur conversation: E mwane wôme a ne Ministre (Mon enfant est Ministre), Mafwiri be carreaux e nda dmme (Je place les carreaux dans ma maison), E bwane bàme be ne (ou) ba ke o Lycée ya Université (Mes enfants sont/vont/fréquentent le Lycée et l'Université), etc.
Ces faits de langue qui témoignent de l'existence d'une main invisible dans les langues, démontrent que la recherche de la performance individuelle est le plus sûr moyen d'oeuvrer pour développer les langues des nations. En cela, le rôle des experts doit être strictement limité qu'à la description des langues telles qu'elles se pratiquent par les locuteurs. La théorie de la main invisible dans les langues s'énoncerait alors comme suit:
Ce n'est que dans la vue de la communication qu'un homme emploie ses habilités à performer. H tâchera toujours d'employer son habileté et sa créativité dans un aspect de la communication dont la performance lui permettra de mieux communiquer. (...) A la vérité, son intention en général n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la société. En se focalisant sur le développement de sa langue à celui de la langue étrangère, il ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande capacité de communiquer; et en dirigeant cette performance de manière que sa capacité à communiquer ait le plus le plus de valeur possible, il ne pense qu'à sa propre communication; en cela, il est conduit par une main invisible, à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la langue, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la langue, que s'il avait réellement pour but d'y travailler.
3.1 Implications de la théorie
L'énonciation de la théorie de la main invisible dans les langues, a les mêmes incidences que celle énoncée en économie. C'est une façon élégante de souligner que les experts n'ont pas à trop se mêler de la vie des langues, et que les mécanismes et phénomènes naturels de la langue, dont les locuteurs sont à la source, valent bien toutes les théories sur les langues du monde. Dans le traitement des langues locales du Gabon du Gabon, on remarque que les experts, en l'occurrence les linguistes africanistes gabonais, les ont pris en otage. La graphie germée par les locuteurs depuis la période coloniale est jugée non-scientifique et basée sur l'écriture du français qui ne transcrirait pas ces langues de façon exacte et cohérente. Par ailleurs, les mots français y sont considérés comme une impureté alors que ces derniers permettent à ces langues d'accomplir pleinement et sans ambiguïté leurs différentes fonctions de communication. L'histoire a voulu que le français soit aujourd'hui la langue officielle du Gabon, donc une des langues de ce pays, et point d'ancrage des pratiques idéologiques et culturelles. On ne peut réécrire l'histoire. On l'assume. La question de l'usage inconscient et naturel par les locuteurs français dans les langues locales du Gabon ne devrait plus faire l'objet de débats. Surtout, lorsqu'on sait que cette langue s'étant ouverte au monde, véhicule une culture universelle. En instrumentalisant naturellement le français dans ces langues, les locuteurs les rendent fonctionnelles et ce, toute en harmonie et en adéquation avec l'environnement immédiat. Ils les ouvrent aussi au monde et les éviter d'être repliées sur ellesmêmes. Cette caractéristique d'être ouvertes au monde via le français les protégera de la stagnation, de l'étiolement et de la disparition.
Le fonctionnement de la langue, aussi bien à l'oral qu'à l'écrit, trouve à sa base, des milliers de décisions individuelles où chaque locuteur cherche naturellement les moyens personnels de communiquer. C'est ce dynamisme dont les locuteurs sont l'origine, et auquel s'ajoute bien évidemment l'intervention des experts, qui à la base fournit à la langue ses propriétés fondamentales de fonctionnement et de vie. L'expression de main invisible que nous venons de développer dans les langues, sera comme celle d'Adam Smith en économie. C'est-à-dire, qu'elle sera aussi bien plus qu'une simple métaphore: elle va résumer un programme idéologique, celui qui vise à faire de la performance individuelle des locuteurs et les milliers de décisions qu'ils prennent comme Tunique générateur de l'ensemble des manifestations orales et écrites de la langue. C'est pourquoi nous pouvons dire que l'expression qui est développée ici sera reprise comme la main invisible en économie, par ceux qui s'opposeront à ce programme, aussi bien que par ceux qui en seront partisans.
3.2 Les locuteurs et les experts comme modalités complémentaires
La promotion et la valorisation des langues locales du Gabon sont aujourd'hui plus une question d'urgence que d'actualité tant elles pèsent sous une forte menace de disparition. Dans le Projet de Plan Décennal de l'Enseignement, de la Formation et de la Recherche, l'introduction des langues locales comme activités d'immersion a été retenue comme actions et mesures6. De nombreux travaux linguistiques et lexicographiques avec l'objectif de stimuler et soutenir l'intégration de ces langues dans les programmes d'enseignement ont déjà été élaborés ou sont en cours de projet. La fondation Raponda-Walker a édité des ouvrages d'apprentissage des langues locales du Gabon7 qui, bon en mal en, sont utilisés dans les établissements qui intègrent ces langues comme enseignements. Nous suggérons que tout comme en économie, où la création et la production de l'individu jouent un rôle prépondérant, que le traitement des langues locales décrive l'usage courant qu'en font les locuteurs. C'est cet usage qui est véritablement indicatif de la réalité de la situation linguistique du Gabon, et également de la façon dont ces langues remplissent leurs fonctions de communication. Ce sont ces données que les experts doivent faire ressortir, qu'elles leur plaisent ou non.
Les locuteurs qui comptent parmi eux les dépositaires de la mémoire collective, autrement dit, les administrateurs, les scientifiques, les hommes de pensée, les artistes chanteurs et compositeurs, les journalistes, les éducateurs, les missionnaires et les responsables politiques de chaque groupe ethnolinguistique, etc. ne sont pas à ignorer et à exclure dans la vie des langues locales. Tout au contraire. Ce sont ces personnes là qui, contre toute attente, rêvent et façonnent, par quelque souci de fantasme culturel, un trésor de la culture, non pas française, mais gabonaise (nous nous référons à Kalonji 1993: 79). Des intellectuels et des génies dans leur genre à base culturelle locale, elles se sont harmonieusement intégrées dans les normes linguistico-cul tur elles modernes par le biais de la culture française. Ces personnes là s'avèrent dans la plupart des cas, les aptes défenseurs des langues locales du Gabon dans le nouvel ordre sociopolitique et culturel (nous nous référons encore à Kalonji idem). Dotés de la double identité franco-gabonaise, les dépositaires de la mémoire collective, sont ceux qui mieux que quiconque, assument et peuvent assumer harmonieusement l'héritage des langues locales en rapport avec les exigences de la société moderne. Ils intègrent quelques mots tels qu'empruntés au français ou d'autres langues étrangères, modifient certains par rapport à la structure linguistique de leurs langues locales respectives et remplacent les mots empruntés par les mots locaux lorsqu'ils se sont familiarisés avec le concept ou l'objet véhiculé par l'emprunt. Les experts doivent décrire cette façon dont les langues sont ense- mencées par les locuteurs et non de prescrire ce qui selon eux, serait la véritable terminologie des langues locales. Comme l'a souligné Mójela (2014), dans les langues africaines, il semble que les experts veuillent standardiser ce que les locuteurs ne parlent pas, et ils veulent faire parler ce que les locuteurs n'ont pas standardisé.
Ces locuteurs ont aussi la capacité de générer une écriture à partir d'une graphie s'appuyant sur celle du français pour représenter les manifestations écrites locales. C'est cette graphie qui jette les bases du développement d'une écriture locale qui harmonieusement assurer le relais de l'oral, la préservation et la diffusion des langues locales du Gabon. Nous ne parlons pas ici d'une transcription phonétique, algébrique, exacte provenant de collectes et d'analyses de type universitaire et qui rend cette écriture locale scientifique. Nous parlons d'une écriture locale, qui résulte du dynamisme des intellectuels francogabonais qui transcrivent les langues locales pour des raisons prosaïques. C'est cette graphie qui tient compte des aspirations, des besoins des locuteurs, et qui et portée par les apports aussi bien locaux qu'étrangers en corrélation avec le contexte sociopolitique et culturelle qui leur est contemporain. Si la production des formes écrites générée par les locuteurs n'est pas faite dans l'objectif de la recherche d'un idéal linguistique, elles ont toujours toutefois constitué des données cohérentes et fonctionnelles qui servent de support d'analyses et d'études pour les experts. Au Gabon, ce sera donc une écriture produite à partir de la graphie fécondée par les locuteurs qui offrira à la linguistique africaniste locale les voies d'accès à la compréhension du devenir des langues locales, de leur constitution, de leur diffusion culturelle, à une prise sur les questions de l'histoire, de la littérature, de la politique, des différences sociales.
Certes, la graphie produite par les locuteurs ne représente pas tous les sous-systèmes phonologiques des langues locales. Elle ne défigure et ne travestit pas également celles-ci. Comme dans toutes les langues qui essaiment avec bonheur aujourd'hui, c'est bien à partir de la graphie des locuteurs que les propriétés fondamentales de la langue ont toujours été rendu visibles et tangibles (Nous utilisons les propos de Chiss et Puech (1983: 8). Les locuteurs vont apparaître la graphie de leur langue pour des raisons prosaïques de comptabilité, de commerce, etc. indépendamment de toute recherche de connaissance linguistique. Celle-ci comporte donc parfois des bizarreries par rapport à une transcription rigoureuse. Toutefois, il ne revient pas aux experts de les ajuster à une quelconque cohérence et exactitude scientifique ou théorique. Cela n'a jamais été le cas dans les langues qui sont considérées comment les plus dynamiques. Les experts ne se limitent qu'à les signaler et à les représenter du moment où elles font partie de l'usage courant des locuteurs.
En français par exemple, il y a des lettres nuiles dans les mots tels que corps et doigt; e se prononce a dans femme et solennel; eu se dit u dans j'ai eu, tu as eu, etc.; c se lit g dans second; ch s'énonce k dans eucharistique, psychologie, écho, chrétien, choeur; chrome, chorale, chorégraphie, chlore, x est lu s dans six, dix; etc. Ces bizarreries sont aussi observables dans les mots en langues locales du Gabon. Mitzic, Chef lieu du Département de l'Okano dans la province du Woleu-Ntem se lit Mindztk [mïdzfk], Makokon se dit Makôkon [makdkù] dans la langue Ikota et Mekoughe [rrokhùg9] dans le dialecte fang nzaman. Ondo, Ndong et Nguéma noms propres de personne en fang se disent respectivement Ondôô [ondo:], Ndong [ndà:] et Nguéma [ngema] dans le dialecte fang ntoumou mais se lisent Oundô [undo], Ndoueng [ndüo] et Ndjéma [ndsomà] en fang nzaman. Ella, nom propre de personne en fang, se lit Ellaa [élà:] dans le dialecte fang ntoumou de Bitam, Ellèè [élè:] dans le fang ntoumou d'Oyem et Ilia [flà] dans le fang nzaman. En fang nzaman, Ekiéma, Nguere, Benga et Epégnè se lisent Itchiéma [ftjémà], Ndjere [ndsoRd], Behang [boa] et Ekpain [ékpê].
Les experts ne produisent pas la langue que ce soit dans sa forme orale ou écrite. Ils ne font récolter et répandre ce que produisent les locuteurs, tels les apiculteurs récoltent et répandent le miel par la suite. Par ailleurs, une langue est la mémoire et le vécu d'un peuple. Les locuteurs gravent naturellement et inconsciemment dans leurs langues tous les aspects matériels ou abstraits de leur environnement et le cours de leur histoire, et garantissent à ces dernières sa fonction de repère et de mémorisation de leur peuple. Une intervention non mesurée des experts, va dénaturer et déstabiliser ce processus inconscient de la vie d'une langue dans lequel les locuteurs participent activement et qui fait que la langue soit la mémoire et le vécu de son peuple. La vie d'une langue peut être représentée sous la forme d'une chaîne linguistique, qui est un cycle dans lequel les locuteurs constituent le point de départ en produisant la langue et les experts la standardisant ensuite.
leurs constitue un acquis dans l'élaboration de l'écriture des différentes locales du Gabon. Cette graphie est très influencée par le français par l'utilisation de son orthographe et celle de l'alphabet latin, car la langue de Molière fait partie du patrimoine linguistico-culturel du Gabon. C'est un processus inconscient et un facteur constitutif rentrant dans le fonctionnement et le développement d'une langue quand elle côtoie une autre. Les locuteurs ont donc déjà jeté les bases de l'écriture locale qui est influencée par celle du français. Cela ne constitue aucun mal. Le signe linguistique est arbitraire et l'usage d'une écriture allogène n'a jamais altéré l'identité d'une langue et de sa culture. Cette graphie est déjà inscrite dans le complexe psychologique des populations locales et établie dans les différents groupes linguistiques du Gabon. C'est aussi celle qui est utilisée dans l'écriture officielle des actes administratifs et gouvernementaux. L'écriture qui y découlera sera donc porteuse de stabilité, d'harmonisation et de fonctionnalité immédiate. Et comme le dit Saussure (1964: 98-101), il n'est pas au pouvoir de l'individu de rien changer à un signe une fois établi dans un groupe linguistique. Vouloir créer une autre écriture qui serait propre aux langues du Gabon pourra donc être plus porteur de déstabilisation qui conduira à des impasses qu'un aboutissement.
Dans un dictionnaire bilingue monodirectionnel français et fang ntoumou de Bitam que nous simulons ici, le guide de l'utilisateur présentera donc un alphabet tiré de la graphie des noms propres et noms des localités administratives transcrites dans ce dialecte. La façon dont les mots sont prononcés en fang ntoumou de Bitam à partir de l'écriture de cette langue qui, comme celles des autres langues du Gabon, est influencée par l'orthographe et l'alphabet latin du français, sera indiquée. Les données de ce dictionnaire simulé sont extraites du dictionnaire du même type que nous confectionnons pour la langue fang. Elles ne sont pas encore abouties. Elles sont donc encore perfectibles.
LA PRONONCIATION
De façon générale, la majorité des voyelles finales sont longues en fang: Songo
(jeu traditionnel, lire son-hôô), Ondo (nom propre, lire Ondôô), Edou (nom propre, lire Edouou), Eyang (nom propre, lire Eyaang), Ella (nom propre, lire Ellaa), Eko (nom propre, lire Ekôô), Ndong (nom propre, lire Ndoong), bo (cerveau, cervelle, lire bôô), ébo (pourri,e, lire ébôô), lo (serrure, lire lôô), mongo (enfant, lire mon-hôô), a gni (rentrer, lire a gnii), a so (douter, lire a soo), dza (village, lire dzaa), a wui (désherber, lire a wuií), aba (corps de garde, lire abaa), kou (tortue, lire kouou), nkô (corde, lire nkôô), nko (colline, montée, montagne lire nkoo), a sông (provoquer, lire a son-hôô), kà (soeur, lire kàà), mbi (course, lire mbii), mbî (terrier, lire mbïï), abé (kola, lire abéé), abè (accouchement, lire abèè), essi (cheveu, lire essi), ze (barbe, lire zee), etc.;
Voyelles: a, e, i, o, ui
- [a] est noté a: abàme tagha (paquet de cigarette), abàme (fil à coudre/tresser), alou (jour, nuit), abêgne (cuisse), abègne (sein), dzi (repas), amang (joue), abô (pied), aboume (ventre), alô (oreille), agnou (bouche), avívate (filet), akane (fesse), etc.;
- [3] est noté ong: Ndong, ndzong (route), ivong (peur), ivông (anguille), nlông (liane), nlong (ligne), kong (malédiction, sort), zong (aubergine), abong (genou), mbông (manioc), avong (graisse), etc.;
- [à] est noté ang et généralement en fin de mot: Obiang, ébang (paquet de bois, manioc, argent), a bang (aiguiser), a kang (griller ou faire sauter en cuisine), a dzang (disparaître), mang (mer), akang (fumoir), amang (joue), biang (médicament), etc.;
- [o] est noté ô pour l'opposer o dans des homographes: fope (bavard, e), nlô (mouche) Φ nlo (tête), ntôke (mince) Φ ntoke (cuillère), nkô (corde) Φ nko (colline, montagne), etc.;
- et il est parfois noté ô pour séparer des homophones, ntôke (mince) Φ ntoke (cuillère) Φ ntôke (tresse), etc.;
- [e] est aussi noté è: zègne (faim), gniè (mère), essègne (travail), abègne (sein), à wuègne (rire, sourire), luègne (rire, sourire), kuègne (singe), abêgne (cuisse), édzakasse (chameau), ékamelôk (cheval), etc.;
- [e] est noté é: élé (arbre), édzina (chambre), édoke (profond, e), éfousse (morceau de viande, pain, terre), éfasse (morceau de verre et bois), ébasse (pâte), ébasse oivono (pâte d'arachide), édoudouk (sueur), ébirane (désordre, désordonné^), ékiègne (fer), éloume (fourchette), étame (puits), égnak (vache), étàme (seul, e, isolé, e), etc.;
- [o] est noté o et il est aussi parfois noté au (Aubame): nlo (tête), dzope (ciel), otsira (fûmée), ototo (motocyclette), mbolo (bonjour), nkoke (sucre), okeng (couteau de table ou de cuisine), sikolo (école, études), étape (vêtement, habit), tok (cuillère), a zomo (supporter, être patient), ékope (peau), óyeme (langue), ongoro (margouillat), oíame (piège), owono (arachide), oteteghe (doucement), otetègne (étoile), etc.;
- [u] est noté ou: Nkoulou, Assoumou, Ntoutoume, à kou (tomber, échouer), aboume (ventre), agnou (bouche), agnoîi (doigt, orteil), assou (face, visage), nsoute (noir), nkoute (nuage), akoute (turbulent, e, agité, é), à gnou (boire), moousse (dos), etc.
Consonnes
- [b] est noté b: a bi nga (tirer un fusil), a bwèlè (mouiller, se mouiller), a bi photo (photographier), a birane (gaspiller), a bwéné agnou (hurler), a bwègne (pourrir), a bègne (accoucher), a bèlè (naître), bidzi (nourriture), a bo (être, faire) a bo nseme/mi nseme (pécher), etc.;
- [J] est noté ch: chechègne (sexe), à chèlè (cacher), nchiyè (lézard), achêgne (cachette), ochigne (rivière), à chii (verser, renverser un liquide), à chi (bondir, apparaître, sauter), etc.;
- [d] est noté d: à dourou (conduire, arracher), à doumane (plonger), à dómelo (clouer), à doù (tremper), à dzeme (danser), à djié (commander, diriger), à damane (sauter), à dzik (se brûler), dzop (ciel), à dzighi (se brûler), à dzime (éteindre), etc.;
- [f] est noté /: fame (homme), fa (machette), fope (bavard, e), fek (solution), flassi (français, Français, e), Fala (France), felevesse (éclair), fefogho (papaye), à fite (appuyer), à fighi (boiter), àfouanghane (bouger), àfouk (remuer, envenimer), à fogho (secouer, déplacer), àfoughoulou (envenimer), fie (avocat), à fumi (essuyer), à fasse (réfléchir, vérifier), àfene (tresser), etc.;
- [gb] est noté gw: Ngwa, ngwéngweme (lion), etc.;
- [j], est noté y: Eyang, Oyone, Oyane, a yo (vomir), a yà (sucer), a ya (couvrir, voiler), a yo (vomir), a yoo (sauter), a yeghelane (prier), a yéghé (étudier), à yeghele (enseigner), à yame (préparer), à yope (pêcher), à yi (pleurer), à yiri ossou (avancer), à yiri amvousse (reculer), à yaghane (payer, dire aurevoir), a yemme (durcir, être fort), a yeme (connaître, savoir), a yebe (répondre, accepter), a yïè (chanter); etc.;
- [k] est noté c et k: Haut-Como (Département administratif), a kobo (parler), a käme (s'étonner), a käme (défendre), a kome (réparer, arranger), kabane (mouton), à kik (couper, circoncire); Misse (fil à coudre), ékoutabong (coude), à koro (quitter, partir de), kuigne (rat palmiste), à koupe (verser, renverser un liquide), kou (tortue), a kuyè (tousser), kà (pangolin), a kot (maigrir, tarir), etc.;
- [kp] est noté kw: Okwè (qui s'écrit et se prononce de plus en plus Okoué, ékwa (sac), nkwèrè (matchette), okwa (épervier), akwa (chasse mouche, balai traditionnel), à kwogho 'se moquer), kwogho (moqueur, - se enquiquineur, - se), etc.;
- [1] est noté l: a lang (lire), lama (lampe), a lumi (se faire prendre au piège ou l'hameçon), a lote (passer, dépasser), a II (débrousser), a lèghè (exploser), a lere (montrer), a le (jouer), a lepe (guider, conseiller), a lirane (accompagner), a lete (guérir), alete (dur, solide), etc.;
- [m] est noté m: mono (argent), miyeme (espace), mintègne (douleur), mouane (enfant), missonssôbô (cime), minengha (femme), metoua (voiture, automobile), messoughou (benjamin, e), etc.;
- [mb] dans Mba, mbolo (bonjour), mbong (manió), mbeng (beau, belle, joli,e), mbiéne (mollet), mbi (course), mbî (terrier), mbègne (porte), mbot (homme, personne), mbana (message, nouvelle), mboko (un), etc.;
- [mf] mfoume (blanc, blanche: couleur), mfoukowono (sauce d'arachide), mfouk (quelqu'un, e qui envenime) mfeme (pain), mfime (mur), mfiang (couette), etc.;
- [mv] dans Mvé, mvet (cithare, épopée fang), mvépe (hérisson), mvang (vaccin), mveng (pluie), mvame (grand-parent), mvouane (poire); etc.;
- M est noté gn: gnou (corps, couleur), a gning (vivre), gnine (pou), égning (vie), gno (serpent), gniè (mère), gnië (limite), essègne (travail), essëgne (paille), abègne (sein), abëgne (cuisse), à wuègne (rire, sourire), luègne (rire, sourire), a gni (rentrer), à gnou (boire), agnou (bouche), agnoù (doigt, orteil), kuègne (singe), à wuègne (rire, sourire), vuigne (ami,e), etc.;
- [n] est noté n: neme (coeur), nemme (sorcier, e, vampireux, se), nene (gros, s se), nome (mari, époux), nomme (vieux, vieille, âgé, e), etc.;
- [nd] est noté nd: nda (maison), ndzeme (maboule, distrait, e), ndouane (feu), ndanga (rat), a ndanghala (rebondir, sauter), ndok (gourmand, goulu), ndôk (sourd, chocolat local), a ndamane (abîmer), ndama (ballon, balle, football), ndouroumetoua (chauffeur, automobiliste), ndzagha (bois de chauffage), ndouraoion (pilote), ndouroutrain (cheminot), etc.;
- [ng] est noté ng: à nguièbane (briller, luire), nguiéme (queue), ngôme (tamtam), ngui (gorille), ngâ (fusil), ngà (épouse), ngôpe (miroir, vitre), ngope (chaussure), ngome (porc épie), nguenguang (médecin traditionnel), ngape (part), ngâne (caïman, conte, récit), etc.;
- [nk] est noté nk: Nkoulou, nkoute (nuage), nkô (corde), nko (colline, montée, montagne), nkagha (iguane), nkaghala (colonne vertébrale), nkou (tambour), nkome (grand et costaud), nkok (sucre, canne a à sucre), nkomengâne (crocodile), etc.;
- [ni] dans nlo (tête), nlongo (seau), nlông (liane, savane), nsissime (esprit), nlong (ligne), nlôpe (canne à pêche), nlang (histoire, récit), nseme (pécher), etc.; - [nt] dans ntanghane (blanc, blanche: race), ntiè (palabre, dispute), nto (aîné, e), etc.;
- [y] très rare en fang, est noté u: a lumi (se faire prendre au piège ou l'hameçon), etc.;
- De nombreuses lettres sont doubles: Ella, Assoumou, Abessole, essègne (travail), essiang (chat), ossimane (pensée, idée), essoulane (messe), essawoula (fourmi), essigang (ogre), etc.
Un exemple de traitement d'article d'un dictionnaire bilingue français-fang pourrait donc se présenter comme suit:
a, A; première lettre de l'alphabet, e ékang ossou ya e alphabet /a,a/ nm inv de A à Z.
à /a/ prép (avec mouvement) aller ~ Libreville a ke Beyok; aller ~ la maison a ke a nda (lire a ka nda)', ~ (dans le temps) ~ 10 ans mi mbou awome; ~ la saison sèche o oyone; (dans une description); le garçon aux cheveux roux e mone fame ya bi évele bi essi; (avec être) je suis ~ vous tout de suite ma zou abong ndi; c'est ~ qui de jouer? za a le (lire zaa le)? c'est ~ toi wa o ne ya egne (lire wo na gnep (marque l'appartenance) ~ qui est cette montre za a ne ya e nkolo wui? (lire za na e nkôlô wuip un ami ~ moi; é mvuigne dzame (avec un nombre) nous l'avons fait ~ deux bi ve bo doebègne; ~ trois on est serré bia be la bi ne fefana; mener 3 ~ 2 a bô ossou ya be la; ~ 1000 francs le kilo kilo a ne 1000 (toyini).
4.2 Les locuteurs et l'emprunt au français dans la terminologie locale
La main invisible dans les langues ne s'exprime pas peut-être aussi bien que par l'emprunt des mots étrangers par les locuteurs en vue dans l'enrichissement de leurs langues. En paraphrasant la théorie de la main invisible en économie, nous pouvons d'abord énoncer comme un des principes de la main invisible en rapport avec l'enrichissement de la terminologie des langues, comme suit: en empruntant un mot étranger et à le remplacer ou pas par un mot local de manière que sa capacité à communiquer ait le plus le plus de valeur possible, le locuteur ne pense qu'à sa propre communication. L'enrichissement du vocabulaire d'une langue trouve à sa base des milliers de décisions individuelles où chaque locuteur, en empruntant un mot et en le remplaçant ou pas par un mot local, cherche naturellement les moyens de mieux communiquer individuellement. Comme Adam Smith l'a énoncé en économie, on peut dire dans les langues que ce n 'est pas toujours ce qu 'il y a de plus mal pour la langue, que cette fin n 'entre pour rien dans ses intentions. On pourrait donc ajouter comme deuxième principe: "C'est tout en ne cherchant que son intérêt personnel dans l'emprunt et par son remplacement ou non, que le locuteur travaille souvent d'une manière bien plus efficace, comme conduit par une main invisible, pour l'intérêt de la terminologie de la langue, que s'il avait réellement pour but d'y travailler".
Les locuteurs rencontrent souvent des difficultés quand il leur est demandé ex abrupto de trouver des équivalents des mots modernes manquants dans leurs langues locales. Les mots qu'ils proposent dans ce cadre de l'intérêt général de la langue, ont souvent du mal à être plus efficacement intégrés dans le groupe linguistique. C'est le contraire de ceux qui ont été plutôt naturellement élaborés dans un processus de recherche de l'intérêt personnel. Cela signifie que la recherche de la performance individuelle et inconsciente, constitue alors le plus sûr moyen d'oeuvrer pour enrichir la terminologie des langues. Il ne serait donc pas recommandé de forcer les locuteurs à trouver des équivalents locaux des mots modernes. Il faut tout simplement collecter les mots qu'ils ont en usage même si certains sont français.
Dans les dictionnaires bilingues monodirectionnels locaux, les personnes en charge de leur confection doivent donc intégrer les mots français que les locuteurs utilisent couramment dans leurs langues locales tels que Ministre, Député, Sénateur, Ciment, Brique, Carreau, Rideau, Glaçon, Glace, Université, Lycée, Banque, Crédit, Télévision, Dictionnaire, Ordinateur, Téléphone, etc. Cela ne devrait pas être perçu comme une quelconque anomalie ou une impureté, du moment où ces mots permettent à ces langues locales de remplir pleinement leur fonction de communication. Ces personnes n'ont pas à proposer des termes venant d'eux-mêmes selon leurs connaissances linguistiques et leurs idéologies. Ils n'ont pas également à obliger les locuteurs à produire immédiatement des équivalents locaux en remplacement des mots français. Ce processus va se faire naturellement à partir des milliers de décisions individuelles dans lesquelles les locuteurs, dirigés par une main invisible, vont les remplacer ou pas en fonction de la familiarité qu'ils auront avec le concept ou l'objet véhiculé par ces emprunts au français. Ces décisions individuelles seront reversées ensuite dans le cadre de l'intérêt général sans que cela ne soit l'intention de départ des individus.
Conclusion
L'énonciation d'une théorie de la main invisible dans les langues semblable à celle de l'économie nous amené à déterminer la place et le rôle respectifs des locuteurs et des experts des langues dans le bon fonctionnement de ces dernières. Les enseignements que nous pouvons tirer de cette réflexion tiennent lieu de directives dans le traitement des langues locales du Gabon, en vue de leur valorisation et de leur promotion naturelles et durables. Que ce soit aussi bien dans les manifestations orales que dans les manifestations écrites, la langue germe du génie créateur des locuteurs eux-mêmes à qui appartient la langue. Comme mus par une main invisible, ces derniers participent à la floraison de leur langue, sans que cela ne soit pas dans leur intention première. Que ce soit en économie ou dans les langues, nous pouvons dire que la main invisible traduirait assurément l'adaptabilité exceptionnelle de l'homme: son comportement est régi par des facteurs innés, et par son adaptabilité aux conditions et aux apports internes et externes de son environnement.
Les locuteurs gabonais, comme guidés par une main invisible, ont donc déjà posé les jalons d'une approche systématique de la mise en forme, de la valorisation et de la promotion de leurs langues locales et ce particulièrement, dans les aspects liés à l'écriture et au développement de la terminologie moderne. Il ne reste plus aux experts qu'à extraire de ces données les usages récurrents pour en en dégager les formes normées d'écriture et de la terminologie locales. Ils n'ont pas à se limiter et à s'auto-satisfaire des propositions scientifiques qui selon les théories linguistiques, consigneraient de façon cohérente et exacte les langues locales du Gabon et procéderaient à des créations lexicales comme processus de développement de leur terminologie. Ils n'ont pas aussi, pour certains, à se cacher maladroitement derrière des intentions nationalistes et idéologiques pour mener un combat d'arrière-garde et trouver le rejet du français comme mode de fonctionnement et de développement de ces langues.
Comme en économie, les mécanismes naturels des locuteurs dans la production orale et écrite et qui participent au fonctionnement de base des langues valent bien toutes les théories. C'est pour cela qu'en dehors des critères théoriques gouvernant la confection de dictionnaire le lexicographe va vers ses publics, il en est un et ces derniers semblent sans cesse l'interpeller, cf. Kalonji (1993: 42). Il les implique dans la mesure où l'élaboration de l'écriture et du vocabulaire qui seront consignés dans le dictionnaire est prédéterminée par une certaine réalité et idéalité qu'ils ont de leur langue. Prinsloo (2014) résume bien cet état de fait en disant que le lexicographe ne devrait pas créer les mots, l'alphabet ou l'orthographe d'une langue. Son traitement dictionnairique devrait refléter leur pratique et leur usage existants. Pour ce faire, la fréquence d'usage est la démarche idéale pour atteindre cet objectif.
Notes
1. L'administration n'étant pas orale mais écrite, le besoin de représenter les manifestations écrites des langues locales répondait aux soucis de mener à bien les activités politiques, administratives et économiques qui rentraient dans le cadre du développement du Gabon en général.
2. Nous citons Ndong Ngoua, A. L'officialisation des langues africaines: Une question de volonté politique. Revue semestrielle de l'Institut de Recherche en Sciences Humaines (CENAREST-Gabon) 11-12: 21-30.
3. Raponda-Walker, A. (Éd.). 1993. Dictionnaire étymologique des noms propres gabonais.
4. Raponda-Walker, A., et R. Sillans. 1961. Les plantes utiles du Gabon: essai d'inventaire et de concordance des noms vernaculaires et scientifiques des plantes spontanées et introduites du Gabon. Paris: Le chevalier.
5. D'autres mots proviennent également des langues africaines dont les communautés se sont durablement installées au Gabon. Il s'agit entre autres de l'arabe, de Yéwé, de la langue kwa du Ghana ou du Togo, du lingala Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa. Il y a aussi des langues européennes telles que Y espagnol, le portugais et Yallemand dont les populations ont rencontré celles du Gabon au cours de l'histoire des conquêtes européennes. Il y a évidemment l'anglais dont la diffusion mondiale est sans précédent.
6. Etats Généraux de l'Education. Projet de plan décennal 2010-2020 en matière d'Enseignement, de Formation et de Recherche. Libreville, 17-18 Mai 2010.
7. Raponda-Walker, A. (Ed.). 1995. Rapidolangue. Niveau 1. Méthode d'Apprentissage des langues Nationales. Volume 1. (Fang, inzebi, lembaama, omyènè, yipunu). Raponda-Walker, A. (Ed.). 1996. Rapidolangue. Niveau 1. Méthode d'Apprentissage des langues Nationales. Volume 2. (ghetsöghö, ihkota). Libreville, Gabon: Fondation Mgr Raponda Walker.
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Edgard Maillard Ella, Institut de Recherches en Sciences Humaines, Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique, Libreville, Gabon ([email protected])
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Copyright Buro van die Woordeboek van die Afrikaanse Taal (Bureau of the WAT) 2014
Abstract
Although it is not their intention, it seems that dictionary users are often guided by an invisible hand similar to the one developed in economy by Adam Smith. By seeking individual performance, they end up contributing to the development of their languages without being their intention. To Adam Smith, it is by seeking personnel development that people develop the nation as well. According to him, it is an invisible hand that leads them to reach that purpose which was not their intention, and as a result they turn out to be more profitable to society than if it had been their intention to make that sort of contribution. Regarding these similarities between the manifestations of the invisible hand in economy and in languages, this paper is an attempt to enunciate the same theory in languages. Using a theory from the field of economy to explain facts in languages is not a new approach. The French sociolinguist Louis-Jean Calvet founded a similarity between the law market which determines the exchange value of a currency, and the respective values of the differ- ent languages in the world which correspond to their degree of diffusion. Referring to the invisible hand in economy, we discuss first the enunciation of the same theory in languages, before analyzing the implications for the compilation of dictionaries in Gabon. This paper refers specifically to Bitam fang ntoumou dialect, for an analysis which is obviously also relevant to other Gabonese languages.
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